mardi 28 août 2018

Fucking méditation-Graffiti Saves the World

Jonnystyle Montpellier

«Painting their names on the subway trains is illegal in New York City, and so the writers must be ready in any moment to dash down the tracks to safety if the Police conduct a raid.» Subway art de Martha Cooper et Henry Chalfant


Sade, Verdanson  Montpellier


Ça ne vous ennuie pas si un moment j’endosse la peau de Dieu ? Je viens faire une petite inspection sur terre. De braves gens se plaignent du manque de civisme de certains de leurs concitoyens qui gribouillent la nuit, avec des bombes de peinture le mur qu’ils viennent de repeindre.  Alors je fouine un peu partout, j’observe les gens. J’ai besoin de découvrir ce ce qui ne tourne pas rond pour que les hommes et les femmes que j’ai créés à mon image, se chamaillent à tout bout de champ, éprouvent le besoin frénétique d’acheter des trucs inutiles et balancent leurs ordures sans se soucier de rien. Qu’est ce qui à foiré dans dans mon divin dessin de pour que l’humanité soit parvenue à se rendre malade à ce point en voulant se gaver tout de toutes les belles et bonne choses que j’avais mise à leur disposition sur terre.

L’heure du rapport est arrivée et ma conclusion est à peine croyable. Les pires ennemis de l’humanité c’est l’avidité et l’ordre. Ses meilleurs amis sont la créativité et le graffiti. Ne m’en voulez pas si je ne fais pas régner le suspense, mais je suis Dieu et je vais droit aux conclusions.

Pour l’avidité, inutile de vous faire un dessin, sans aucun doute c’est un défaut, peut-être même un péché, donc un ennemi, mais l’ordre c’est une qualité. Par ailleurs, d’accord pour dire que la créativité est une qualité qui ne peut que rendre l’humanité meilleure, mais le graffiti, c’est un délit puni par la loi. Eh bien oui, moi Dieu, je suis du côté des délinquants.

Il faut être Dieu pour voir au delà des apparences.

Banana street Montpellier



J’ai croisé un brave homme dont le plaisir était de cultiver le jardinet attenant à son pavillon. Un homme gentil, généreux. Il aimait à faire goûter ses tomates à ses voisins. Il aimait plus que tout admirer l’alignement parfait de ses rangées de légumes. Il ne supportait pas les mauvaises herbes, ni dans le potager, ni dans les gravillons devant son garages. Il redoutait les pucerons qui dévorent les fèves et les haricots verts. Il détestait les limaces et les escargots qui s’en prenaient à ses salades. Et puis il n’allait pas laisser les maladies s’en prendre à ses légumes. Qu’à cela ne tienne, il y a tout ce qu’il faut aujourd’hui dans les magasins pour se prémunir de toutes ces calamité. Aussi il avait dans son garage une étagère sur laquelle étaient bien rangés les produits pour lutter contre tout ces fléaux. Le pulvérisateur est le meilleur ami du jardinier. Round up pour les mauvaises herbes, produits machin truc pour les pucerons.  Pour chaque ennemi, un produit à tête de mort dans un flacon vert. Et puis ne lésinons pas sur les doses.... Voilà vous avez compris. Il voulait seulement un beau jardin, bien ordonné, bien aligné, sans maladie, sans pucerons, sans limaces et escargots. Et il s’est empoisonné. Je ne vous dirai pas de quel cancer est mort ce brave homme, ni sa femme ni ses voisins. Je suis Dieu et j’ai obligation de confidentialité.

Mais comme je suis Dieu et que je vois plus loin je sais qu’il ne s’est pas empoisonné, on l’a empoisonné. Des messieurs et aussi des dames, avec des cravates, des tailleurs Chanel et des costumes, des chercheurs, des actionnaires, des patrons enfin toute sorte de gens intelligents et même gentils, certains par courte vue, la plupart par avidité, lui ont fait croire que tout ça c’était sans danger, que c’était le progrès. Le crime est à grande échelle et je sais que notre brave homme, féru d’ordre a été abusé et les profiteurs, les avides l’ont tué. Ont tué des millions de braves gens.

Voilà j’ai développé cet exemple pour te faire comprendre le sens de ma méditation. Des exemples j’en ai cent à ton service, surtout dans les domaines agricoles et alimentaires. Je vais t’en proposer quelques un en raccourci. Tu es assez fûté pour les méditer tout seul..

L’élevage industriel pour produire à bas coût des protéines animales au profit de l’alimentation humaine. Voilà de l’ordre à grande échelle. Les animaux ne sont que matière première d’un système hyper-rationnalisé. On produit industriellement une alimentation de qualité déplorable au prix de souffrances animales inouïes. Ce phénomène est suffisamment documenté pour que je ne m’y attarde pas. Cependant, moi Dieu, je peux t’affirmer que l’élevage industriel est un scandale du même ordre que l’esclavage en son temps et que les générations futures nous demanderont de rendre des comptes sur une telle barbarie.

Dans le beau foisonnement du monde, l’homme n’a cessé de vouloir comprendre, trouver des règles, pour maîtriser son environnement. Il est certain qu’il a amélioré notre condition, mais le prix à payer est exorbitant. 

Soly 2, Sailor, LittleLewis, Ecusson Montpellier

Il est avéré et documenté aujourd’hui que la manie d’ordonner, de rationaliser dans les domaines agricoles et agroalimentaires est à l’origine d’une multitude de problèmes touchant l’environnement, la biodiversité, la santé humaine, sans parler des aspects éthiques concernant le traitement des animaux et de certaines populations fragiles.
  
Et encore je ne t’ai pas entraîné sur les terrains du racisme ou les hommes se trient par couleur, des inégalités, ou ils se trient par richesse ni du sexisme ou ils se trient par genre. Il faudrait une bibliothèque entière pour se faire une idée de tous les effets négatifs de ces classements stupides.

Regarde bien autour de toi, derrière l’ordre il y a toujours des profiteurs. J’allais dire derrière chaque ordre il y a une dictature pas forcément politique, mais un système qui asservit.
  
L’ordre est présenté comme une qualité parce que l’ordre soumet, l’ordre donne naissance à des braves gens, comme mon jardinier, mais l’ordre avilit ceux qui n’ont ni l’esprit critique, ni le recul nécessaire. Le problème ce n’est pas la soumission, c’est que l’ordre est tellement contraire au foisonnement de la vie telle que je l’ai voulue, il bouleverse tellement ses règles qu’au bout de l’ordre il y a les maladies et il y a la mort. Je te laisse poursuivre cette fucking méditation à la lumière de tes expériences.

 
Salamech, Sidka, Asem, Quartier Mosson Montpellier

Bon et le graffiti alors ? Comme je suis Dieu et pas philosophe je ne me sens pas obligé de raisonner ou de démontrer, je constate juste que la transgression, l’interdit, la désobéissance, le désordre sont dans ce monde étouffé et étouffant la bouffée d’oxygène qui ouvre de nouveaux horizons génèrent des richesses inattendues et de la beauté.

Je pense que le graffiti, que chacun s’accorde à voir comme un phénomène social déplorable mais somme toute mineurs, est le meilleur exemple.

Méditons ensemble. Imaginez un jeune garçon ou une jeune fille de quatorze ou quinze ans, peut-être douze d’ailleurs. Il ou elle a dans son sac une ou deux bombes de peinture ou/et quelques Marqueurs Posca ou Molotov, ou simplement un tube de baranne (cirage). Il s’agit de votre fils ou de votre fille il elle quitte la maison la nuit en catimini, seul(e) ou avec quelques copains et va taguer des portes ou quelques jolis murs dans votre quartier ou un peu plus loin. Juste taguer à la va vite une signature, un flop.

Ce que les passants prennent comme un immonde gribouillis, juste destiné à salir la propriété d’autrui est en fait une signature, cent fois répétée sur un cahier. Signature d’un pseudo de tagueur, son premier et peut-être dernier blaze. Ce flop il faut qu’il soit visible, bien placé, que les copains le reconnaissent.
 
Swed Oner, Chat Noir, Madame Moustache et Autres, mur de Pérols


Mais taguer, c’est mal, c’est interdit et puni par la loi. Atteinte à la propriété, atteinte à l’ordre. Alors qu-est-ce qui pousse de jeunes gens, gentil par ailleurs, à aller gribouiller partout une vague signature sur la propriété sacrée d’autrui. Là, je cale, je n’en sais rien. Je dirais que c’est une sorte d’appel irrépressible, remontant aux origines de l’humanité, souvent stimulé par la fascination exercée par les réalisations urbaines de certains aînés. Mais pourquoi ces élus de Dieu (moi) sont-ils fascinés par les graffs, alors que la plupart des jeunes ne les voient même pas ?

Moi Dieu, j’ai sans m’en rendre compte désigné quelques humains qui sont prêts à risquer, au mieux une engueulade des parents, mais plus grave, des gardes à vue, des amandes, des procès, des TIG (travaux d’intérêt général) et toutes sortes d’autres désagréments. Et oui il y a une catégorie de personnes qui sont prêtes a transgresser la loi, ni pour voler, ni pour escroquer, ni pour tuer, mais pour dessiner. Ce n’est pas une garde à vue qui va les dissuader, quand ils sont pris par la fièvre du graffiti, c’est pour la vie.

J’avance dans la méditation. Mon/ma jeune tagueur (se), rencontre des jeunes comme lui, des aînés plus expérimentés qui vont l’inspirer le motiver. Il ne pense qu’à ça, il remplit des cahiers de lettrages. Parce que ce qu’il veut c’est avoir plus de sprays (bombes de peinture), un mur à lui, un moment tranquille pour réaliser un beau graffiti ou un beau lettrage.

Soly 2, Montpellier

Mist, quartier Rondelet Montpellier


Les plus motivés intègrent un crew, une bande de graffeurs, solidaires entre eux, qui se stimulent artistiquement, trouvent des spots, des lieux à peindre, plus ou moins tolérés, friches urbaines, bords de voies ferrées, ponts ferroviaires ou d’autoroutes et ils organisent des sessions graffitis la nuit ou les week end.

Certains crew se spécialisent. Les purs vandales continuent à graffer et à taguer uniquement en zone interdite, certains, au risque de leur vie vont taguer ou graffer les toits. Regardez le haut des immeubles de votre ville. D’autres préfèrent les trains ou les métros qu’ils vont graffer la nuit en prenant le risque de se faire prendre et celui d’un accident. Il s’en produit quelque fois.

D’autres préfèrent graffer, tranquillement sur des lieux tolérés ou la police ne viendra pas les harceler. Je peux vous assurer cependant qu’aucun ne devient à cent pour cent un mouton. Tous, même ceux qui ont acquis une véritable notoriété artistique et construit une gentille vie de famille, répondent à un moment ou à un autre à l’appel primitif du vandale qui sommeille en eux.

Il serait temps que je prononce le mot ARTISTE. Car, du tag au graffiti et pour certains du graffiti à la fresque et de la fresque à la galerie c’est bien des parcours artistiques qui se dessinent. Les sessions sur les murs se préparent par des croquis sur des carnets. L’appel quasi instinctif à aller taguer est sans doute simplement celui de la créativité. Il n’y a qu’à regarder le nombre de tags, de graffitis, de lettrages autour de nous, pour comprendre ce qui donne au mouvement sa puissance. Le graffeur est un artiste qui veut être vu. Un artiste parce qu’il ne cesse pas de dessiner, de se perfectionner et de chercher son style. Certains perfectionnent la lettre à des niveaux de sophistication incroyable. D’autres préfèrent les persos (personnages). Ils travaillent, le trait, les couleurs, les représentations. Certains restent sur la lettre, d’autres se spécialisent dans le réalisme voire l’hyper réalisme, d’autres vont vers l’abstrait. Les graffeurs sont des travailleurs invétérés. Ils ne cessent de chercher, de produire.
Pont de l'autoroute Montpellier

Mondé, Maye, Soly2, Momies, Château d'eau Prades le Lez


Toute une génération artistique, majeure aujourd’hui, reconnue et active, aussi bien en galerie que dans l’espace public est issue du mouvement graffiti. Les galeries consacrées aux artistes issus du graffiti se multiplient. Le public et les acheteurs suivent. Si la scène new yorkaise a été la première à émerger, l’Europe et la France ont rapidement suivi. Le mouvement est tellement important aujourd’hui que j’hésite à citer des noms de peur de froisser ceux que je ne citerai pas, surtout sur la scène montpellieraine, particulièrement dynamique dont je commence à bien connaître et apprécier les acteurs. Je ne souhaite pas consacrer une hiérarchie de la notoriété. Cette fucking méditation restera purement détachée des individualités qui l’ont inspirée. Je renvoie à mon blog  https://libresparolesdartistes.blogspot.com/ .et aux quelques photos, toutes de moi, qui illustrent cette méditation.

Je sais que tous les artistes venus du graffiti, sans exceptions, sont possédés par le démon du tag et qu’ils ne résistent pas à l’appel de la nuit, même s’ils ont quarante ans, une famille et un break dans le garage. Tels des loup garou, ils redeviennent les vandales qu’ils étaient à quatorze ans. Ils parcourent les rues d’une ville pour répandre des flops qui, s’ils étaient reconnus, vaudraient une fortune, ou pour se faire un train dans un dépôt SNCF. j’en connais même pour lesquels cet appel à la transgression est quasi quotidien malgré les risques judiciaires que cela comporte.

Cette laborieuse méditation avait pour ambition de faire comprendre aux que ce sont des adolescents qui au départ ont bravé l’ordre et porté atteinte à la propriété et la tranquillité des braves gens en taguant leurs portes et leurs façades fraîchement repeintes qui ont donné naissance au courant artistique le plus novateur de notre époque, entre vingtième et vingt et unième siècle. Quand je dis courant artistique je veux que vous perceviez la beauté que cela représente et avec la beauté l’humanité et la fraternité qui vont avec. Les Fresques qui fleurissent sur les façades des villes aujourd’hui sont bien de l’art, offert à tous, à la portée de tout le monde. Quasiment tous les artistes qui les réalisent sont des tagueurs.

Alors que l’ordre, cette soit-disant belle qualité, a donné lieu à d’inacceptables abus et engendré les pires catastrophes de l’humanité, c’est la transgression, le refus des règles et la créativité qui ont engendré un mouvement artistique majeur qui embellit le monde et donc le sauve un peu de toutes les turpitudes des cupides.

Voilà J’ai fini d’être Dieu. Pardonne moi mais j’avais du mal à aborder cette laborieuse fucking méditation sans prendre un peu de hauteur. Cet artifice m’y a aidé.

Montpellier le 27 août 2018

Licence H et autres Montpellier

Tags sur C215, cours Julien Marseille

Smole Sète

Lettrage Mezo, CEAF crew Montpellier

Jean-Charles de Castelbajac, Ecusson Montpellier

Smole Sète

Smole Sète


Adec Montpellier

Nasty Archives Collection personnelle

Mode 2 stade Roger Couderc Montpellier



Ecusson Montpellier Je te laisse déchiffrer














samedi 25 août 2018

Fucking méditation. Le tintamarre des cigales

Conférence de Pierre Rabhi au parc Montplaisir de Castelnau le Lez

"Contrairement à toutes les espèces, nous programmons nous-mêmes notre propre disparition par manque d'intelligence et de compréhension de la vie" Pierre Rabhi Manifeste pour la terre et l'humanisme.

Après le quinze août, sans même qu’on s’en soit rendu compte, l’infernal tintamarre des cigales cesse. Tout ce bruyant petit peuple des arbres et des pinèdes dont les stridulations, de jour comme de nuit, rendaient la canicule plus insupportable ont rendu les armes. Année après année, immuable, le cycle des générations se poursuivra.

Les cigales habitant les vénérables platanes du parc Montplaisir à Castelnau le Lez ont accompagné la conférence en plein air de Pierre Rabhi. Tout le monde connaît et aime Pierre Rabhi. Pour ma part je n’ai pas hésité à aller l’écouter pour la quatrième fois je crois. La première fois j'avais fait le déplacement aux Amanins dans la Drôme pour l’entendre débattre avec Edwy Plenel, que j’estimais encore à l’époque.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Pierre Rabhi a quatre vingts ans, il est né dans le sud algérien mais a grandi en France dans une famille française. Lassé de sa vie d’ouvrier il a acheté une ferme en Ardèche. Pour tirer des récoltes de cette terre pauvre il à développé des techniques agricoles autour de la production et de l’utilisation d’humus. Il a passé une grande partie de sa vie à diffuser en Afrique Sahélienne les principes de la permaculture.. Il est le père de l’agroécologie. Il a écrit de nombreux ouvrages et est considéré aujourd’hui comme philosophe. Devenu conférencier il ne cesse d’alerter un public toujours plus nombreux à venir l’écouter, sur les conséquences négatives de l’agriculture productiviste. Il s’alarme des conséquences du réchauffement climatique. Il voudrait que notre génération se préoccupe de l’avenir de l’humanité en réduisant notre consommation excessive et superflue des ressources de la terre sans renoncer au bonheur.

Pierre Rabhi est, je pense, l’homme qui par sa vision simple, concrète et bienveillante de l’humanité a le plus influencé ma vie. La sobriété heureuse me va comme un gant. J’allai dire que j’essayai de la mettre en application mais ce serait faux. Je ne m’efforce pas à la sobriété, elle me convient. Je la vis à ma manière sans ostentation et sans grand principe. Ce n’est pas une religion. Pas de dogme, pas d’interdits. Je déteste les principes.

Cette conférence était décevante, mais peu importe. Un pierre Rabhi paresseux alignait des éléments de langage moult fois répétés, sans soucis de la cohérence de l’ensemble. L’homme est las des conférences. Il confessait à France 2, lors d’un sujet qui lui était consacré, qu’il reçoit plus de six cent demandes de conférence par an. Il y répond comme à une mission à laquelle il ne peut moralement pas se dérober. Il quitte sa ferme ardéchoise en disant je vais faire du Rabhi. Il le fait sans enthousiasme et ça se sent. Il sait que cela ne sert plus à rien, sauf à donner à ceux qui l’écoutent quelques règles de vie qui ne changeront rien à l’évolution du climat et aux drames multiples générés par le réchauffement climatique.

L’anecdote du Colibri, chaque fois répétée, chaque fois applaudie, est une histoire dont les morales peuvent être contradictoires. certains en tirent la conclusion que si chaque individu faisait sa part, tous les hommes réunis parviendraient à éteindre l’incendie, mais d’autres y voient une histoire de looser. Le colibri se donne bonne conscience pour un résultat nul. Pierre Rabhi le sait. Faire sa part est un acte individuel qui même multiplié restera sans effet sur les bouleversements du climat. L’incendie est aujourd’hui incontrôlable.

En continuant, à son age, à sillonner la France pour porter sa parole humaniste, Pierre Rabhi fait sa part. Il ne prétend pas sauver le monde, il veut seulement que l’infime partie de l’humanité qui vient l’écouter et croit en ses paroles, mette en pratique et transmette des valeurs de sobriété, de partage et d’empathie.

Les changements de société que l’on constate aujourd’hui sont porteurs, de replis sur soit, d’égoïsme et de violence. Les mouvements identitaires, racistes et xénophobes prolifèrent sur le terrain de la haine. Pierre Rabhi à bien compris que le combat climatique est perdu, mais il ne le dit pas explicitement, parce que il n’est pas là pour décourager mais pour révéler en chacun sa part d’humanité, parce que seul l’humanisme peut s’opposer à la violence qui monte.  

Pierre Rabhi ne croit plus que l’humanité peut sauver ses acquis en matière de bien être, il pense même, sans doute, qu’elle va beaucoup souffrir et peut-être disparaître. Il n’a certainement pas la prétention de croire qu’il peut la sauver, il fait sa part, il transmet des valeurs. Pour qu’au moins une partie de l’humanité reste humaine. Pas plus

L’histoire, depuis que des humanoïdes foulent notre planète, n’est qu’une affaire de survie. Pour survivre les hommes se sont groupés, en familles, en villages, en empires. Des solidarités se sont nouées à l’intérieur des groupes mais des rivalités se sont fait jour entre les groupes. C’est pourquoi l’histoire des hommes est tissée du meilleur : la fraternité, la solidarité et l’amour et du pire : la rivalité, la violence et la guerre. Tant qu’il y a suffisamment de ressources le meilleurs prédomine, quand elles manquent c’est le pire. C’est bien nos ressources que met en jeu le réchauffement climatique. Alors sans dire que l’humanité est condamnée, il y a fort à penser qu’elle va vers de très gros problèmes.

En fait tout le monde se fiche du devenir de l’humanité. Tout ça ce sont des mots pour donner un sens universel à nos petits engagements humanitaires. Au delà de nos petits enfants ou arrières petits enfants nos phares n’éclairent plus rien.. Notre empathie et notre sens moral ne conçoivent pas de s’apitoyer au delà de trois générations. Dans le temps long la disparition de l’humanité n’apparaît pas scandaleuse parce qu’elle est au delà de nos peurs. L’idée d’une terre qui continuerait à tourner et à évoluer sans les foutus humains est-elle si révoltante ? Darwin l’a dit, Darwin le fera. Seuls les plus forts survivront... peut-être.

Notre soucis des générations futures, Celles de nos enfants et petits enfants a pour limite notre égoïsme. Il bute sur notre besoin incompressible de confort et notre bien être aujourd’hui. Même en vivant sobrement on consomme des ressources épuisables. Notre sobriété, tous comptes fait, s’accommode de quelques billets d’avions pour aller faire un tour au bout du monde, d’une voiture devant la porte et même de la clim dans notre appartement car les canicules sont insupportables. C’est vrai la viande est une catastrophe écologique, sans parler des souffrances inouïes infligées aux animaux par l’élevage industriel, alors il est de bon ton d’être flexitarien. Je ne juge personne ce paragraphe parle de moi.

Chacun puise une cause à défendre dans le grand bazar du militantisme écolo-humanitaire. Aider les démunis, les migrants, lutter contre les pesticides et la monstrueuse Monsanto-Bayer, consommer bio, végétarien, végan, encourager l’agriculture paysanne, les énergies renouvelables.... faire sa part, c’est bien ça, chacun à sa manière prend exemple sur le colibri. Je ne me moque pas je suis un des vôtres. Je veux contribuer à ce que cesse cette folie productiviste qui bousille la planète dans ce qu’elle a de nourricier, creuse les inégalités et engendre le replis sur soit et la violence.

Je le fais, nous le faisons, Pierre Rabhi nous demande de le faire pour nos enfants, petits enfants et arrières petits enfants. Nous savons qu’ils vont souffrir des canicules, des inondations des cyclones, Ils devront reconstruire leurs maisons, faire face à des migrations, au terrorisme et à des guerres. De tous ceci nous porterons une part de responsabilité et ils nous jugeront. Ils nous accuseront pour la gabégie monstrueuse des ressources de cette planète dont notre bienheureuse génération, plus que toute autre avant elle; s’est rendue coupable. Ils auront raison. Nous n’en ferons jamais assez pour nous racheter une conscience.

Il y a deux manière d’agir. La première c’est faire le colibri, la deuxième c’est faire de la politique. Parce qu’il y a sur cette terre des individus et des entreprises sans scrupules dont le seul moteur est d’accumuler des richesses pour se gaver maintenant. Ceux-là n’ont aucun soucis de votre santé, ils nient le réchauffement climatique, profitent des guerres voire les provoquent. Je cite quelques uns de ces acteurs coupables : Industries chimiques et agrochimiques, automobile, énergies fossiles, armement, cigarettiers, agriculture industrielles et agroalimentaires... Ces entreprises ne sont pas des abstractions, des hommes les font fonctionner et eux se foutent du devenir de l’humanité et même de celui de leurs gosses. Que  la terre demain soit rendue aux fourmis ils n’en ont rien à faire. Ils n’y pensent même pas. Ils pensent juste à se payer un jet privé et oublient le cancer qui va les emporter. Ouf c’est dit....Il faut les combattre sur le terrain politique et associatif.


Nous sommes collectivement responsables, et ce depuis des générations, des malheurs qui vont frapper nos proches descendants parce que l’humanité s’est toujours désintéressée de son propre avenir. Nous avons pillé la terre sans vergogne pour du superflus et des futilités.

Tout ceci nous le savons. Pierre Rabhi s’évertue à nous le dire, mais on est incapables d’arrêter le processus parce que la machine humaine fonctionne comme ça, au plaisir, à l’égoïsme, au superficiel, à orgueil et à l’indifférence à toutes les espèces, qu'elles soient végétales ou animales, et au reste de l’humanité.

Je voudrais quand même pour finir porter le message d’optimisme de Pierre Rabhi. La manière de vivre, telle qu’il nous l’a enseignée et les actions de solidarité auxquelles nous participons, mêmes si elles s’avéraient insuffisantes, sont porteuses de valeurs d’humanité qu’il nous appartient de transmettre bien au delà de notre génération.

Autour du vingt juin 2019, c’est avec plaisir que nous entendrons la première cigale d’une nouvelle génération nous annoncer l’été.

Le 20 août 2018 .

 
stand de tir de Montmaur, Pierre Rabhi Pochoir humus=vie par Old_one