dimanche 26 avril 2020

Fucking méditation-Le monde d'après le Covid 19

Œuvre de Zest réalisé en live au Musée Fabre de Montpellier


Fucking méditation-Le monde d’après

L’homme est une invention dont l’archéologie
de notre pensée montre aisément la date récente
et peut-être la fin prochaine.
Michel Foucault

Mise en confinement de plusieurs milliards de personnes, arrêt brutal au niveau mondial d’une grande partie de l’activité économique, gestion sanitaire et politique chaotique ; les conséquences de la pandémie due au Coronavirus sont d’une telle ampleur, tant sur nos vies personnelles que sur l’organisation, sociale, économique et politique des nations et du monde qu’il est difficile de penser qu’on a seulement appuyé sur le bouton pose. Les grandes crises, et celle-ci particulièrement, puisqu’elle a mis une grande partie de la population à l’arrêt, confinée chez elle, sont propices à l’introspection, aux remises en question et aux résolutions.

Certains s’en prennent à penser qu’ils(elles) seront meilleurs dans un monde meilleurs, d’autres que l’humain étant ce qu’il est, il va consacrer toute son énergie à remettre en place les choses et que le monde repartira aussi frénétique et insouciant qu’avant, enfin il y a ceux qui sont convaincus que cette crise a été sciemment provoquée par des esprits maléfiques pour mieux soumettre et asservir la population. Chacun applique à l’époque le filtre de ses convictions, de ses préjugés, de sa confiance ou de sa défiance, de son optimisme ou de son pessimisme. J’ai noté hier en regardant la télé, cette phrase un peu cynique de Gérald Bronner, sociologue «Les gens projettent sur le monde d’après ce dont ils avaient envie avant».

Une fucking méditation est un exercice, sans règles, de subjectivité assumée. Il s’agit simplement de tourner autour du sujet et de l’examiner sous toutes ses facettes, ni analyse documentée, ni philosophie, juste une errance de la pensée nourrie par ce qui se dit et s’écrit. Notre esprit est mitraillé par une foule, d’informations, de points de vue, de controverses, de débats. Plus que jamais, il est important pour se faire une idée, la plus juste possible, de faire le tri entre des expressions mues, pour certaines par la peur, des intérêts partisans, des querelles d’égo, des points de vue divergents, y compris chez les scientifiques, des expressions farfelues ou malveillantes mais aussi des ignorances qui ne veulent s’assumer.

Pour ce qui concerne l’Etat, ses explications et les justifications de sa politique, j’ai toujours en tête, depuis mes lectures de jeune enseignant, l’analyse de Louis Althusser dans «idéologie et appareils idéologiques d’Etat»  qui pose que toute expression de l’Etat est idéologique dans la mesure ou sa finalité est sa protection et la reproduction de l’ordre politique. Par nature l’expression de l’Etat, a pour finalité de préserver l’ordre public. Les déclarations sur les masques, mais aussi les tests, qui ont été déclarés dans un premier temps inutiles, pour dissimuler une pénurie, donc le manque d’anticipation, en le meilleur exemple, mais pas le seul. Ce qui est vrai pour l’Etat l’est aussi pour les institutions dont l’expression met en jeu leur crédibilité donc leur pérennité.

Vers la civilisation des masques

Une pensée également pour Michel Foucault, philosophe important de ma jeunesse étudiante et enseignante, il y a presque cinquante an, (Mes étudiants en Sociologie des Organisations à l’Université d’Oran m’avaient surnommé Althusser, Balibar, Foucault, ABF). Foucault considérait déjà que le pouvoir ne contrôle plus le comportement des individus mais que c’est la vie des individus qui est devenu le but et l’objet du pouvoir. Les concepts de bio pouvoir et de bio politique expriment le remplacement du pouvoir pénal par le pouvoir médical. L’espèce humaine est un «corps» collectif dont le pouvoir prend soin : naissance, santé, accidents, vieillesse, mort. Il y a cinquante ans Foucault avait déjà perçu que le pouvoir médical se substituait progressivement au pouvoir pénal. Le fait que l’Etat ait créé à ses côtés un comité d’experts scientifiques pour l’accompagner dans ses choix politiques et les justifier est particulièrement significatif.

C’est contre ce pouvoir, qui a pris en main de manière autoritaire notre santé, pour faire face au coronavirus, que le philosophe André Conte Sponville fait entendre une voix dissonante. Dans un entretien à la Publication «le télégramme» du 23 avril (je ne connais pas cette publication, je suis tombé dessus en recherchant les propos du philosophe que j’avais entendus à la radio sans les noter) « ce n’est pas le principe de précaution qui me gène,....c’est plutôt ce que j’appelle le Pan-médicalisme, faire de la santé la valeur suprême, ce qu’elle n’est pas. Je mets plus haut la justice, l’amour et la liberté. Cela conduit à laisser à la médecine la gestion de nos maladies, ce qui est normal, mais aussi de nos vies et de nos sociétés, ce qui est beaucoup plus inquiétant.»

Vous avez bien sûr remarqué que toutes les annonces politiques au plus haut niveau de l’Etat sont systématiquement assorties de la caution du comité scientifique ou d’experts en épidémiologie.

Ces prémisses philosophiques étant posés, je vous laisse les méditer. Qu’est ce qui nous attend ?

«Le retour à la normale n’aura pas lieu avant longtemps, car il n’y a pour l’instant ni médicament ni vaccin.» Edouard Philippe le 19 avril

Nous avons connu l’avant SIDA, sexuellement insouciant et l’après avec préservatif obligatoire. Nous avons connu l’avant attentats terroristes et la liberté d’aller et venir et l’après avec multiplication des contrôles, fouilles des sacs et autres mesures de sécurité. L’après Covid sera bien pire, pendant longtemps, très longtemps... toujours peut-être, port du masque, mesures de distanciation, réduction des contacts physiques qui ne seront réservés qu’aux plus proches, méfiance réciproque, pas touche. Et puis hygiène, hygiène, hygiène. Mains lavées, relavées désinfectées. Qu’est-ce qu’on intériorise vite.

Je n’ose même plus imaginer, un concert, un match, une manifestation, une fête. Déjà notre regard est choqué par des images de foule et de gens qui s’embrassent. De nombreux projets sont d’ores et déjà en pause : mariages, achats importants, immobiliers en particulier, déménagements, voyages...Pour tous ces projets il ne suffira pas d’appuyer sur la touche reprise, ils devront être reconsidérés, reconfigurés pour tenir compte des mesures d’hygiène qui seront alors la norme.

L’après, pour toi, pour moi pour tout le monde, et dans tout le monde, ce sera d’abord un quotidien distancé, un quotidien ou l’autre est susceptible de transmettre la mort. C’est sûr je m’adapterai, nous nous adapterons tous. D’ailleurs on l’est déjà.

Je confie la conclusion de ce paragraphe à Michel Foucault «N’oubliez pas d’inventer votre vie» et à André Conte Sponville «Pour guider ma vie, je compte plus sur moi-même que sur mon médecin.»

Tirer les leçons

Le gentil chanteur Françis Cabrel déclare à France Bleu Périgord «J’espère qu’on retirera des leçons de tout ça» Derrière le «on» il y a les personnes qui réfléchissent et se projettent dans l’après. Il y a aussi, les institutions, les entreprises, les responsables politiques qui portent la responsabilité de préparer l’avenir et qui se posent la question de savoir ce qui a foiré pour qu’un virus parvienne en deux mois à mettre à genou tous les pays du monde, pas seulement leurs économies, mais aussi tous leurs fondamentaux de dirigeance.

Il y aura chez nos dirigeants, comme chez les individus, une part de bonnes intentions qui ne se réaliseront jamais, mais aussi de vrais changements. Je ne suis pas certain que ce qui se prépare conduise à un monde meilleurs. Les rapports de force n’auront guère été affectés par la pandémie, les mentalités non plus, alors ne rêvons pas trop à un monde meilleur.

Le point de vue de Edgar Maurin, le génial sociologue, presque centenaire, a été beaucoup sollicité durant ces dernières semaines. L’invasion mondiale du virus a, selon lui, provoqué une crise de civilisation qui de fait obligera à changer nos comportements tant au niveau individuel, que local et planétaire. Elle nous amène à nous interroger sur notre mode de vie, nos vrais besoins masqués par les aliénations du quotidien. Il pense que la course à la rentabilité et les carences dans notre mode de vie sont responsables d’innombrables dégâts humains causés la pandémie. Autrement formulé face à un virus notre civilisation s’est avérée fragile. La globalisation apparaît comme un processus qui peut provoquer autant de nuisances que de bienfaits.

Le confinement nous a contraint à modifier nos habitudes de vie. Le télétravail peut amener à changer le fonctionnement des entreprises, accélérer le retour aux productions et aux commerces locaux, pas seulement dans les domaines agricoles et alimentaires, mais dans bien d’autres indispensables au quotidien, je pense en particulier aux médicaments.

La solidarité, dont la période a donné d’innombrables exemples, pour faire face à des pénuries ou aux difficultés de certaines personnes ou de certaines profession pourrait s’ancrer durablement dans nos pratiques. Par son caractère mondial et universel le Coronavirus nous montre que, qu’on le veuille ou non, nous sommes liés par une communauté de destin.

Tirer les leçons de cette crise, ce n’est pas seulement une affaire de vœux pieux, à jamais sans suite. C’est une affaire de survie de l’humanité. Il faut réfléchir, et vite sur nos modes de consommation et d’alimentation, se désintoxiquer de la culture industrielle, autrement dit, revoir notre rapport à la nature, mais aussi prendre durablement conscience que l’amour l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui fait la qualité de la vie. C’est Edgar Maurin qui le dit.

Cependant quand je vois des files de voitures qui patientent jusqu’à trois heures pour accéder au drive d’un restaurant Mac Donald qui vient d’ouvrir après un mois de fermeture, quand je les entends dire «enfin un vrai repas !» j’ai quelques doutes sur notre capacité à tirer vraiment les leçons. Je suis conscient que je fais parti d’une minorité qui se dit bien pensante. Cependant si certains rêvent Mac Do, moi je rêve d’une pinte de bière, dégustée à petites lampées, confiné au fond d’un bar face à une personne dont je me remplirai les yeux et le cœur. Désir de Mac Do ou désir de bière au fond c’est pareil. Nous voulons que la vie d’avant revienne... un peu.

Le virus nous rappelle également que «l’incertitude est un élément inexpugnable de la condition humaine.», incertitude sur l’origine du virus et sur toutes ses conséquences dans les domaines socio-économiques.

Dans un monde incertain, le seul moyen de s’en sortir est de se raccrocher à des valeurs. C’est moi qui le dit. C’est mon seul principe d’éducation.

Inégalités

Ceux qui auront perdu leur emploi, voire leur entreprise, ceux qui partout dans le monde ne peuvent plus se nourrir, auront du mal à se projeter dans un monde différent, plus juste, plus solidaire. Les inégalités si fortes dans le monde d’avant vont s’accroître, jusqu’à devenir intolérables. La pauvreté et les besoins immédiats qu’elle suscite ne va t-elle pas anesthésier toute volonté de changement vers un monde plus respectueux et ramener les responsables aux vieilles recettes du capitalisme mondialisé, en pire puisqu’ils vont vouloir s’affranchir des quelques avancées sociales et environnementales gagnées de haute lutte pendant les dernières décennies.   

L’état d’esprit de chacun dépend de sa situation personnelle pendant la période de confinement. Les biens confinés, grand espace, frigo plein, profitent des réseaux sociaux pour suivre et pratiquer des activités ludiques culturelles, sportives ou de développement personnel. Ils savent également se connecter à des réseaux d’approvisionnement de proximité, de préférence bio. Ces privilégiés du confinement vont voir dans cette période une occasion d’adopter des habitudes de consommation plus responsables, de mieux respecter la nature et d’être plus bienveillants et solidaires. Les médias qui sont peuplés de ces gens là se font largement l’écho de belles histoires de solidarité et d’attention aux autres.

Cette vision d’un après qui saura tirer les leçons et sera meilleur, est elle illusoire, compte tenu de la nature humaine ? Changer en mieux est-il impératif compte tenu compte tenu de la fragilité de notre système face à un virus ?

Les mal confinés, dans des appartements trop petits, avec une famille trop nombreuse n’en peuvent plus, et n’ont qu’une hâte, que ça se termine. Pour eux pas vraiment de bonnes résolutions. Vite retourner au travail, pour ceux qui ne l’ont pas perdu, et les enfants à l’école. Il y a aussi les entrepreneurs, petits moyens et gros qui sont, malgré les aides entrain de tout perdre, leur affaire, leur salariés. Ils ne dorment plus. L’après sera au bas mot une épreuve, au pire une catastrophe. Ceux qui auront perdu leur emploi voire leur entreprise auront du mal à se projeter dans un monde différent, plus juste, plus solidaire.

Je lis également dans le journal «Le Monde» (22 avril) que partout dans la planète le confinement de plusieurs milliards de personnes est entrain de provoquer un gigantesque choc social. La première répercussion visible se trouve dans les soupes populaires et les banques alimentaires. Des milliers de personnes qui vivaient sans réserves financières ont basculé en même temps et se sont retrouvées soudain sans ressources.

Un reportage du journal Le Monde du 18 avril 2020, raconte le quotidien d’habitants de quartiers populaires, notamment Clichy sous bois en Seine Saint Denis, ou se multiplient les files d’attente devant les distributions alimentaires. En commentaire d’une photo Sylvie Kauffmann écrit «Les premiers sont arrivés à huit heures, soit trois heures avant l’ouverture des portes de la maison de la jeunesse de la ville. A onze heure, la file d’attente s’étirait sur plus de trois cent mètres.» on voit bien sur la photo que les gens sont les uns sur les autres, ce qui fait dire à certains «si on remplit le frigo, on chope le coronavirus.» Le président des restos du cœur Patrice Blanc explique que tous ses centres restés ouverts en France sont pris d’assaut.

Devant l’Université Paris 8 de Seine Saint Denis, le mercredi 22 avril des centaines de colis alimentaires fournis par le Secours Populaire ont été distribués à des étudiants dans la précarité, confinés dans leur chambre de cité universitaire. Les bénévoles ont constaté que certains, faute de pouvoir acheter de la nourriture, se sont mis en mode rationnement, un seul repas par jour, pas du tout équilibré. Le gouvernement recherche une solution, mais très clairement aujourd’hui, les étudiants qui ont perdu les petits boulots qui leurs permettaient de vivre sont tombés dans la précarité.

Je lis dans le Huffington Post (22 avril) que l’ONU tire la sonnette d’alarme. «D’ici à fin 2020 le nombre de personnes au bord de la famine pourrait passer de 135 à 265 millions à cause de l’impact économique du Coronavirus.»  Avant l’épidémie la situation s’aggravait, la fermeture des frontières va rendre impossible l’acheminement de l’aide alimentaire. Une «pandémie mondiale de famine» se profile en 2020.

Nous sommes à un peu plus de la moitié de la période de confinement et chacun sait que la date du 11 mai ne fera que marquer le début d’une reprise qui sera compliquée et très longue. L’économie sera alors jonchée de cadavres d’entreprises mortes et la plupart des autres ne seront pas très gaillardes.

En touchant durement les plus pauvres, précaires, fragiles, cette crise terrible va creuser encore les inégalités qui étaient déjà insupportables dans le monde d’avant. Il faut bien avoir à l’esprit que ce ne sont pas ces gens là, qui se disent que le confinement est le moment de penser à un monde meilleurs et plus solidaire. Ils sont noyés dans des problèmes de survie au quotidien dans des appartements exigus, sans ordinateurs pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur scolarité à distance. Leur porte monnaie et le frigo sont vides. Ils veulent seulement que les choses reprennent et vite.

A l’heure ou le dé-confinement est à l’ordre du jour dans tous les pays, a l’heure ou les économistes font les comptes du coût de la crise et des montagnes de dettes accumulées par les États pour éviter, dans l’urgence que tout ne s’effondre, la petite musique que l’on entend du côté de l’OCDE (Mathieu Plane, économiste à France Info) est «pour relancer l’économie il faudra que les Français consomment ce qu’ils sont entrain d’épargner.»

Consommer quoi ? de tout ! Des voitures, des maisons, de l’électronique, des gadgets, des fleurs, des hamburger de chez Macdo et, le plus tôt possible, des croisières stupides, des voyages gadgets, organisés pour qu’on se sente comme à la maison. Les bonnes vieilles recettes en pire parce que affranchies de réglementations tatillonnes dont nos bons vieux capitalistes requinqués vont vouloir s’affranchir. Nos dirigeants auront bien du mal à faire respecter toutes les avancées acquises de haute lutte par l’ancien monde parce qu’elles seront considérées comme des freins à la relance. Quel sort va être réservé aux avancées sociales, en particulier le droit du travail, au respect du bien être animal , à l’utilisation à outrance des énergies fossiles, des pesticides et du plastique. Je ne donne pas cher du «tirer les leçons» face au réalisme intéressé des puissances d’argent.

Dans notre monde plein d’inégalité le paradoxe est que les plus puissants, par intérêt immédiat et les plus pauvres par urgence vont vouloir vite remettre sur pied un monde comme avant. La voix des classes moyennes éduquées et prête à expérimenter d’autres façons de vivre, plus sobres, plus solidaires, plus respectueuses risque de rester inaudible dans la puissante vague de la reprise.

Requiem pour le climat

L’après ne se prépare pas dans la tête des philosophes, ni dans les rêves des belles âmes qui y projettent leurs rêves bienveillants de respect de la terre, des animaux et des autres. L’avenir se prépare par de gigantesques plans de relance qui vont déverser des milliards de dollars, de yens ou d’euros d’argent public. Peu importe, le cour du change des grandes devises n’a que peu d’importance à ces niveaux astronomiques.

En France, après avoir voté en mars un plan d’urgence de 45 milliards d’euros, compte tenu de l’ampleur de la crise, c’est à présent 100 milliards qui sont annoncés intégrant les moyens pour le chômage partiel et les reports de charges (20 milliards), un fond de solidarité pour les très petites entreprises (6 milliards), dépenses exceptionnelles pour la santé (7 milliards)

Au niveau Européen, la banque centrale Européenne a dès le 19 mars annoncé un programme de rachat d’actifs 750 milliards d’euros qui s’ajoutent aux 250 milliards déjà mobilisés. Ces fonds vont permettre aux banques des États membre de continuer à prêter de l’argent aux entreprises et aux États. L’Union Européenne a eu du mal à passer outre ses dissensions pour s’accorder sur un plan de relance commun. Après la réunion du 26 mars au cours de laquelle s’étaient étalées les mésententes et règlements de compte entre les États, une nouvelle réunion le 24 avril a permis de parvenir à un accord sur un paquet de 540 milliards d’Euros de mesures immédiates qui mêleraient prêts et subventions.

Le plan de relance des États Unis, voté fin mars par le congrès et approuvé par le sénat (CARES Coronavirus aid, relief and économic security) s’élevait à 2200 milliards de dollars, (10% du PIB) auxquels viennent s’ajouter 483 Milliards supplémentaires votés le 23 avril.

Des dizaines de millions de familles vont recevoir un chèque de 1500 dollars plus 500 par enfant.  L’assistance chômage sera élargie. Les hôpitaux se partageront 100 milliards. Les entreprises, des grandes, comme les compagnies aériennes et la société Boeing bénéficieront de 500 milliards de dollars. 350 milliards de dollars iront sous forme de prêts aux entreprises et associations de moins de cinq cent salariés à condition qu’elles continuent à les payer.

La question est de savoir si la relance sera verte ou carbonée. L’expérience nous montre qu’il y a eu une forte hausse des émissions de CO2 après la crise de 2008. Cette relance s’était faite sur l’augmentation de consommation des énergies fossiles. Fera-t-on mieux en 2020 ?

Le contexte économique mondial n’y est pas favorable. Des chefs d’Etat climatosceptiques dirigent des pays puissant. L’innommable Trump à quitté l’accord sur le climat. Bolsonaro détruit la forêt amazonienne pour cultiver du soja transgénique. La chine qui, quoi qu’elle en dise, a laissé, par goût du secret, échapper ce virus sournois, va mettre massivement le charbon et le pétrole à contribution pour renouer avec une croissance à deux chiffres. Il semble que la crise sanitaire a d’ores et déjà pour effet de favoriser les replis nationalistes mais aussi de conforter voire d’accélérer les tendances géopolitiques déjà à l’oeuvre ; affirmation de la Chine, replis américain, chicayas en Europe. Partout ou presque la démocratie est en danger, le populisme gagne du terrain. La fragilisation des individus par la crise est un terrain favorable pour les populistes qui veillent et qui ont plus en tête l’autorité que l’écologie.

Le Haut Conseil pour le climat, en France, s’inquiète il craint que dans l’urgence l’économie, les entreprises et même les individus retournent à ce qu’ils savent faire. Pour les particuliers des questions se posent sur la durabilité des bonnes habitudes prises pendant le confinement de recours aux circuits courts, au télé travail et aux solidarités de proximité. Il en appelle donc aux pouvoirs publics pour assortir les conditions d’aides d’engagements pour atteindre la neutralité carbone y compris des secteurs comme l’aérien.

La Chine et le Canada ont déjà prévu, dans leurs dépenses structurelles des projets importants de d’infrastructures énergétiques à base d’énergies fossiles. Ne parlons pas des États Unis qui sont présidés par un climatoseptique notoire. En Europe la République Tchèque et la Pologne demandent à s’affranchir de la mesure européenne phare qu’est le Green New Deal.

La France vient d’accorder 7 milliards d’aides publiques à la compagnie aérienne Air France KLM. Nos responsables politiques se répandent dans les média pour garantir que cette aide sera assortie de conditions environnementales. Jouez violons, «on va faire de Air France la première compagnie aérienne zéro carbone»...7 milliards d’euro soit une dette d’environ 100 euros par Français, ce n’est certainement pour engager la compagnie à diminuer sa flotte et à faire voler les avions sans Kérosène. Il devrait y avoir aussi 300 milliards pour l’industrie automobile. On le jure ils seront contraints de passer à l’électrique. Plus écologique l’électrique ? Qui y croit ?

Des voix, nombreuses, s’élèvent pour profiter de la relance pour ne pas reprendre à l’identique ce que l’ont faisait avant. Mais les lobbies s’activent auprès des pouvoirs publics pour préserver leurs intérêts qui ne sont pas les mêmes que ceux de la nature. Notre très vieux MEDEF (Syndicat patronal) a osé un courrier à Elisabeth Borne Ministre de la Transition écologique et solidaire pour demander la suspension des réglementations environnementales en France. Inimaginable, ils ont osé ! Cette crise remet au goût du jour l’adage «chassez le naturel il revient au galop» , une honte en tout cas pour le patronat français.

 A l’heure ou les entreprises font le compte de ce qu’elles ont perdu et des surcoûts inévitables que vont générer les mesures d’hygiène et de distanciation qu’elles doivent mettre en œuvre pour reprendre leur activité, alors que le virus circule encore, nous pouvons légitiment penser que les préoccupations environnementales qui leur avaient souvent été arrachées passent sous le tapis.

Chacun reconnaît, à mille signes, que la Planète va mieux après deux mois de pause. Beaucoup ont pris conscience que notre agitation frénétique perpétuelle, souvent pour des motifs aussi futiles que le tourisme de masse ou la consommation destruction d’une pléiades d’objets aussi moches qu’ inutiles n’apporte pas le bonheur. Cette vaine agitation et notre boulimie d’objets et de services, fait tourner des usines en Chine, voler des avions, naviguer des paquebots grands comme des villes. L’économie mondiale est boursouflée simplement parce que nous sommes dans une société de consommation. C’est à dire une société d’insatisfaction, de gâchis et de pollution (pour faire et pour se débarrasser des déchets)

Seule la sobriété partagée pourrait sauver le climat, mais elle ruinerait l’économie boursouflée que l’on veut relancer. Alors ne rêvons pas. L’urgence est de faire revoler les avions, relancer les usines d’objets en matière plastique, l’urgence est de faire des cadeaux inutiles à la fête des mères et à noël, d’offrir du muguet le premier mai, et d’acheter des chrysanthèmes en novembre.

Les Milliards, n’en doutons pas sont pour une relance de ce qui s’est arrêté, au moment ou ça s’est arrêté, une relance qui sera facilitée par des entorses aux quelques engagements climatiques pris avant la crise. Nous aurons des années pour en rediscuter et faire quelques pas à nouveau. Le virus nous a fait gagner deux mois sur le réchauffement climatique. Nous allons pouvoir reprendre tranquillement notre chemin vers des catastrophes climatiques ou autres, y compris de nouveaux virus,vers un inconfort de plus en plus grand à vivre sur une planète violente et surchauffée.

Nous entrons dans l’ère des catastrophes. Piètre humanité tu ne l’auras pas volé.

En attendant j’espère pouvoir bientôt boire une pinte de bière rousse en terrasse sur l’esplanade ombragée de platanes de Montpellier.

Montpellier le 26 avril 2020











mardi 7 avril 2020

Fucking méditation : confinement




Fucking méditation : confinement.



Ce n’est pas que je m’ennuie, mais voilà trois semaines que je suis confiné chez moi. Pas volontairement, mais légalement contraint à rester enfermé dans mon appartement, à l’exception des courses alimentaires et d’une heure de sport à moins d’un kilomètre de chez moi. Pour ces sorties je dois me munir d’une attestation vérifiable par la police, Sans ce papier je risque cent trente cinq euros d’amende.

Si tu avais lu ces premières lignes, disons, le trente et un décembre dernier, tu aurais pensé que je m’essaye à écrire un récit de science fiction. A ce moment là un méchant virus, au nom d’une marque de bière mexicaine, la Corona, avait profité de la pangolin phagie, ou peut-être de la chauve souris phagie, on ne sait pas trop, d’un gastronome chinois pour infecter un être humain, puis dix, puis mille puis des millions. Cela s’appelle la contagion, ça court le monde, à pied, en voiture, en avion, et même en paquebots de croisière. Ce virus profite de notre déplorable manie de nous toucher les uns les autres pour se saluer, s’aimer ou danser et de notre propension à nous rassembler par petits groupes pour boire un verre, manger ou faire du sport et par dizaine de milliers dans des stades, des salles de concert et des lieux de culte. Résultat, plus de la moitié de l’humanité a été confinée, les systèmes de santé sont débordés, nous comptons les morts par milliers. Ce n’est pas de la science fiction, cela s’appelle une pandémie et aucun être vivant aujourd’hui n’avait connu ça.

Fucking pandémie

Tu sais, parce que tu le vis, qu’une pandémie ça crée un climat. On sait que la peur révèle, le pire chez les pires, le meilleurs chez les meilleurs, mais surtout ça réveille les bavards, ceux qui ont un point de vue sur tout, un jugement sur tout et sur tous ou une théorie plus ou moins fumeuse à propager. Avec les moyens de communication modernes, la télévision qui pérore, les vrais experts et les charlatans, l’internet en ébullition, les politiques méchants qui croient jouer le coup d’après, le pauvre confiné ne sait plus à quels saints se vouer. En qui avoir confiance ? à qui se fier ? Il y aurait là matière à fucking méditation. Gardons là pour quand nous aurons plus de recul.

Le confinement de plusieurs semaines, seul dans un petit appartement, est une expérience, sans doute une épreuve, à traverser au jour le jour, mais aussi dans la durée pour en sortir physiquement et mentalement indemne. C’est le moment ou jamais de mobiliser ses ressources, de les mettre au service d’une discipline personnelle, et d’une réflexion sur soit et notre place dans le monde, une sorte d’introspection en pratique.

Je ne veux surtout pas, par ces mots, me donner en exemple, donner «mes» recettes. Je fais comme je peux, en fonction des contraintes et avec mes ressources. En fait c’est simple dans la vie d’avant je faisais de la marche nordique, je pratiquais la méditation, la gymnastique taoïste, le qigong et le taichi, enfin le kit d’énergétique chinoise complet. Ces pratiques font partie de ma de vie. Et bien tout simplement je continue. Si, sur la marche nordique, compte tenu des contraintes, je me limite à une pratique minimum, quitte à augmenter la part des exercices physiques statiques, par contre je peux passer d’une séance bi-hebdomadaire à une séance  quotidienne pour les pratiques d’énergétique chinoises. Cette discipline, combinée à une alimentation, maîtrisée est ma manière de rester en forme et de penser positif.

La méditation joue un rôle important, elle permet de se centrer sur l’essentiel, de cimenter entre elles les différentes facettes de ma vie et donne la cohérence qui me permet tout simplement d’être.  

L’idée de ce texte est le résultat d’une vrai séance de méditation.


Méditation

Je suis assis sur mon balcon, le dos droit, les mains posées sur les genoux. Les micocouliers et les immenses pins parasols sont si près que je me plais à qualifier mon petit appartement au deuxième étage de cabane dans les arbres. Il s’agit d’un paysage sans horizon, derrière les arbres, avec, en vis à vis, plus ou moins cachée, selon la saison, une autre résidence.

Je commence à méditer en éprouvant ma présence, mon poids, le relâchement des épaules, la droiture de ma colonne vertébrale, enfin j’en viens à mon souffle que j’observe, que je ralentis, j’apprécie l’air que je respire, sa fraîcheur souvent, sa chaleur quelquefois. Je reste un moment attentif à ma respiration. Moi ici, respirant, vivant.

J’élargis mon attention à ma peau aux sensations de chaleur, de fraîcheur, de mouvements de l’air, parfois rien, souvent une brise, quelque fois du vent. L’air porte parfois des odeurs, de fleur, de cuisine ou de cosmétiques.

Je porte ensuite mon attention aux sons, les recherche tous, automobiles qui passent dans la rue, voix, aboiements, roucoulements, gazouillis d’oiseaux proches ou lointains, dans les feuilles. Au cœur de l’été je médite dans le tintamarre inouï des cigales. Des bruits surviennent, d’autres cessent. Je me met en situation de les écouter comme une symphonie de les accepter sans les juger, sans les classer. Il n’y a pas des beaux bruits et des bruits désagréables. Une tronçonneuse, c’est un homme qui travaille, les automobiles, les avions, c’est l’humanité qui vaque à ses occupations. Parfois tous les bruits cessent, c’est souvent le cas en cette période de confinement ou la circulation est presque à l’arrêt. Le silence est une pose dans la fébrilité du monde, presque incongru.

La vie est bruyante. Toutes les formes de vie. Du vent dans les feuillages, les oiseaux qui volent, qui gazouillent, qui chantent. Les chiens, les chats, les mouettes, les coqs poussent des cris. Les insectes et surtout les cigales l’été créent du son. Les hommes avec leurs voix, leurs machines, leurs moteurs, leurs musiques font du bruit. Depuis mon balcon, selon les jours, les moments de la journée, les saisons, les bruits se combinent de manière toujours inédite.

J’élargis ensuite mon attention aux images, je dé focalise mon regard, mets mes yeux en position de récepteurs et laisse la lumière et surtout le vert tendre et apaisant des feuillages entrer en moi. Les images orientent quelquefois ma méditation. Des pigeons dans les arbres qui font leur toilette et laissent parfois tomber un duvet qui descend lentement vers le sol. Un spectacle incroyable tous ces duvets qui planent vers le sol. Parfois c’est à une ombre que je m’attache et je suis son mouvement étonnement rapide qui n’est que le résultat de la rotation de la terre autour du soleil. Parfois au couchant j’observe l’évolution de la couleur de la lumière sur une branche.

Bien sûr, quand une pensée sans rapport, vient à l’improviste, distraire mon attention je reviens à mon souffle, aux bruits, à la lumière, à cet instant unique, toujours changeant, l’instant présent.

Méditer est un moment d’inaction, sans autre objet que de freiner le flux incessant de pensées, souvent inutiles qui le bombardent sans répit et de rester attentif à ce qu’il advient dans l’instant dans la bulle accessible à nos sens, y compris notre corps et d’écouter les messages que reçoit notre esprit disponible.

Inutiles humains

Cet instant est riche de sens. Immobile sur ma chaise, je suis au centre de la vie, entre le ciel, si variable et si immense qu’il ne peut pas être appréhendé et la terre qui donne vie aux arbres et à une multitude de végétaux, qui croissent, se parent de fleurs, lancent des nuages de pollens, mettent, gardent puis perdent leurs feuilles, s’abreuvent de la pluie et souffrent de sécheresse l’été. Cette végétation est là. Avec ou sans les hommes, elle serait là.

Dans les arbres, même en ville il y a des oiseaux ; des pigeons ramiers, des tourterelles, des pies, des mésanges, des rouges queues et bien d’autres. L’été le ciel est traversé par des hirondelles et des martinets, parfois des corbeaux et toujours des mouettes. Rarement des écureuils parcourent les branchages, incroyablement habiles. Moins visibles on imagine les mulots, les abeilles, les mouches, les moustiques. Tout le peuple des insectes est là.  Cette vie animale qui peuple la pinède est sauvage, elle se loge et se nourrit seule, elle n’a pas besoin de nous pour tenir et garder sa place dans le monde.

Enfin il y a les humains, de mon balcon je ne les vois pas, seulement, parfois, une silhouette sur un balcon d’en face. J’entends rarement une conversation, plus souvent la musique d’une radio, jamais des chants humains. Le bruit des hommes c’est d’abord le bruit des moteurs, motos, voitures, camions, hélicoptères, avions, perceuses, tronçonneuses. Le bruit des hommes c’est d’abord le bruit de l’essence qui explose. Le mouvement des hommes, leur énergie, vient  de la surface de la terre, il faut bien manger, mais surtout de ses entrailles, avec le pétrole et toutes les énergies fossiles. Le bruit de l’humain est  celui des machines.

Les végétaux, les animaux vivent de ce qu’ils prennent et donnent a la terre et ceci dans un mouvement perpétuel de renouvellement. Ils sont là simplement et y resteront. Les humains, par contre, prennent à la terre ce que jamais ils ne pourront lui rendre, ils l'épuisent sans vergogne tout en déréglant le climat. L’humain est trop gourmand, l’humain détruit, l’humain va à sa perte.

Dans l’infini du temps de l’univers, jusqu’à une explosion cosmique, il y aura toujours sur terre, des arbres, des plantes, des insectes, des animaux. Ils n’ont pas besoin de nous. Bien au contraire ils ne se porteront que mieux.

Vive un monde sans les humains. Ce n’était qu’une fraction infime de seconde à l’échelle du temps de l’univers.

C’est la faute aux moteurs

Les épidémies anciennes circulaient à dos de chameaux ou en bateaux à voile, au rythme des caravanes des commerçants ou des guerriers. Elles parcouraient, cependant, de sacrées distances. C’est ainsi que la peste en plusieurs vagues a décimé les populations dans de nombreuses régions du monde. Les virus de tous temps ont utilisé les moyens de transport de l’époque pour se diffuser et semer la mort sur leur passage.

Les moyens de notre époque ce sont les avions, les somptueux paquebots de croisières et tous les engins à moteurs qui répondent à la frénésie des humains à bouger d’un bout à l’autre de la planète, pour le business, pour les loisirs, enfin souvent des raisons futile.

C’est ainsi que du pangolin de Wuhan en chine, le virus a infecté un gastronome en viande sauvage. Sautant ensuite d’humain à humain, il a envahi le quartier, puis la ville, puis la région et enfin le monde. Il a d’étape en étape, profité des rassemblements religieux, des matchs, des concerts, des apéros pour, en moins de trois mois, prendre ses aises partout dans le monde, y compris les lieux les plus reculés. Il faut dire que ce virus est particulièrement contagieux.

Les moteurs ne sont pas seulement responsables de la propagation du virus ils sont aussi responsable d’une  désorganisation du monde qui s’appelle mondialisation. La rapidité et la facilité des déplacements a incité nos industriels à saisir l’opportunité de bas salaires, en Chine, plus généralement en Asie, pour délocaliser leur production dans des usines du bout du monde. Ils ont généré du chômage donc bien des souffrances dans nos beaux pays développés. L’important pour eux était le profit permettant de belles distributions annuelles de dividendes. Peu importe la casse sociale dans leur pays. Pourtant la mondialisation nous l’avons acceptée comme une fatalité. Les vêtements, les chaussures et l’électronique venus d’Asie sont tellement bon marché !

On s’en mord les doigts aujourd’hui. Nous sommes habitués à recevoir rapidement et en un clic, tout ce dont on a besoin, alors pas de stocks chez nous. Erreur ! Que faire aujourd’hui quand on n’a plus, ou presque, de moyens de production dans notre pays pour fabriquer des masques, des médicaments, du matériel médical, indispensables pour faire face à un afflux de malades dans les hôpitaux alors que tous les pays du monde sont dans la même situation que nous ? Eh bien, c’est la foire d’empoigne. Les pays se volent des chargements de masques sur le tarmac des aéroports chinois. Les prix s’envolent, la pénurie reste.

Économistes, décideurs il va être temps de tirer des leçons. Capitalistes ! il faudra trouver d’autres moyens pour vous gaver. Il faudra vous rappeler du mythe du maître et de l’esclave. Il ne date pas d’aujourd’hui.

la science à la peine

Bill Gates nous avait averti il y a quelques années ; le plus grand danger pour l’humanité n’est pas atomique, ce sont les virus. Nous qui développons les algorithmes les plus sophistiqués, disposons de technologies qui facilitent tellement la vie, avons tissé sur la planète des réseaux de communication de toute sorte, voyagé sur la lune, sommes incapables de tenir en respect un virus.

Le seigneur du pays Chine a puni ceux qui ont sonné l’alerte, a caché longtemps qu’un vilain virus était entrain de lui échapper. Le virus a pris ses aises dans le monde entier parce qu’il n’existe aucune arme contre lui, ni médicament, ni vaccin, ni algorithme pour anticiper et stopper sa propagation. Les labos ont beau s’activer, rien ou presque pour le juguler. La science ne peut rien, la science est impuissante. Ça n’empêche pas les experts de causer de se répandre en injonctions contradictoires. Vous vous souvenez de ceux qui parlaient d’une grippette, ils se sont excusé vite fait quand les faits leur ont donné tort, pour mieux continuer à causer et à dire d’autres bêtise.

 Aujourd’hui, quatre mois après le début de l’épidémie, on ne sait toujours pas comment le virus se propage. On ne sait pas combien de temps il reste actif sur une surface touchée par une personne infectée. Nous ignorons à quelle distance barrière il faut se tenir d’elle. On ne sait toujours pas si les masques sont utiles ou pas. On ne sait pas s’il faut tester ou pas, ni qui il faut tester. Le problème c’est que devant tant d’ignorance les décideurs politiques ont diffusé des injonctions dictées exclusivement par des impératifs politiques. Souvenez vous de la porte parole du gouvernement, jurant la main sur le cœur que les masques ne servent à rien, elle s’appuyait, la pauvre sur des avis d’experts. Aujourd’hui les masques sont en passe de devenir obligatoires. On pourrait raconter des anecdotes similaires pour les mesures de distanciation et sur les tests.

Cette communication, presque exclusivement au service des intérêts politiques est bien une communication de guerre destinée à maintenir le moral des troupes. Je ne jette pas la pierre à nos gouvernants, ils n’ont pas beaucoup de certitudes auxquelles se raccrocher sur la ce virus imprévisible et toujours mal connu. Loin de moi l’idée qu’ils ont la moindre intention malveillante. Ils font ce qu’ils peuvent.


Quelle que soit la volonté et la compétence des scientifiques du monde entier il est un fait, pas un jugement, que ce virus leur échappe encore. Ils finiront sans doute par trouver un médicament, puis un vaccin. L’urgence impose donc des solutions d’organisation pour réguler, freiner et j’espère arrêter la circulation du virus. La seule solution qui s’impose mondialement, y compris chez les plus réticents qui s’y rallient, est le confinement, quel qu’en soit son coût économique et les moyens de contrôle à mettre en œuvre pour le faire respecter. En 2020 nous en sommes réduits à appliquer les mêmes mesures que celles qui étaient prises au moyen âge pour stopper la propagation des maladies, quitte à ruiner notre économie. Quand on ne dispose pas de remèdes on confine.

De tous temps, le confinement, la quarantaine ont été le seul moyen de lutter contre la propagation des épidémies. Remercions au passage Pasteur qui a mis au point la vaccination qui a sauvé de manière préventive tant de vies humaines et Alexander Fleming qui a découvert les vertus curatives de la pénicilline qui a donné naissance aux antibiotiques. Quel que soit le battage fait autour d'un médecin Marseillais et de la chloroquine, n'est pas Pasteur qui veut. Le populisme médical a trouvé son chef de file.

Nous pourrions croire que la science des algorithmes, qui s’est développée dans tous les domaines ces dernières années aurait pu donner aux décideurs des outils de décision pour organiser socialement les modalités d’arrêt ou tout au moins de ralentissement de la propagation du virus et, si le confinement était la meilleure solution, organiser rationnellement les modalités d’entrée et de sortie. Si des experts travaillent, soit ils sont en retard, soit ils ne sont pas écoutés, parce que le sentiment d’impréparation et d’improvisation domine.

Sans mettre en cause qui que ce soit, parce que je suis convaincu que les scientifiques, qu’ils soient biologistes, médecins fabriquant d’algorithmes, et les politiques travaillent tous d’arrache-pied pour nous sortir de la mouise, il n’en reste pas moins que cette pandémie révèle les insuffisances de la science pour ce qui concerne la santé.

On veut Vieillir, pas mourir

L’espérance de vie s’est accrue de manière considérable dans les dernières décennies, d’où un vieillissement considérable de la population. L’age de départ à la retraite n’a guère varié (non pas de fucking méditation sur ce sujet) L’espérance de vie après l’age de soixante ou soixante cinq ans est encore longue. Dans nos sociétés la plupart des personnes sont alors en bonne santé, pleines d’énergie et disposent de ressources financières assez conséquentes.

L’arrivée du Covid 19 a donné à voir des paquebots de croisières de luxe tous bondés de vieux. Des centaines de camping car fort coûteux appartenant à des couples âgés se sont trouvés coincés sur les côtes portugaises ou marocaine ou ils passaient tranquillement l’hiver. Des foules des personnes âgées en voyage organisé ont appelé au secours des quatre coins du monde pour se faire rapatrier.

Les jeunes vieux profitent, ils font du sport, remplissent les festivals et les salles de cinéma, voyagent au quatre coins du monde. Cette génération, la mienne, celle qui n’a pas connu de guerres, a profité du progrès technique et du développement économique des trente glorieuses pour mener une vie sans privation, ne veut pas s’arrêter au moment de la retraite, bien au contraire il y a une soif de profiter à fond des dernières années en bonne santé.

Le temps, cependant, remplit inexorablement sa mission d’usure en distribuant toutes sortes de pathologies, qui, du cancer aux maladies neurologiques, en passant par le cœur ont bien affaibli ces personnes. Elles ont entre, disons, quatre vingt cinq ans et plus de cent ans, sont pour la plupart en maison de retraite. La médecine fait des miracles; elle les tient en vie, longtemps. La société s’occupe d’eux chaque jour. Aides à domiciles et aides soignants pallient à leur dépendance. Depuis la grandes canicule nous veillons à bien les hydrater, à les climatiser.. Ces vieux là,  enfin ces personnes âgées là, nous y tenons, ce sont nos parents, nous les aimons et nous voulons les garder le plus longtemps possible.

Arrive, une canicule, ce sont bien sûr les plus fragiles qui paient le plus lourd tribut. C’est normal ils sont à la limite de leur vie, il suffit d’une pichenette et les voilà fauchés.

Arrive aujourd’hui ce drôle de virus, qui joue avec nos défenses immunitaires. Il laisse en paix les enfants. Pour les adultes jusqu’à quarante cinquante ans, pas trop de raisons de s’inquiéter, après, ça dépend, on ne sait pas trop, il y en a qui ne se rende compte de rien et d’autres qui finissent à l’hôpital, sous respirateurs, voire en réanimation. En valeur relative, ce n’est pas beaucoup, mais en valeur absolu, c’est suffisant pour mettre à la peine, notre système de santé et tous les systèmes de santé du monde.

 L’attention de tous les média du monde se focalise sur les hôpitaux. Et là,  c’est le déferlement, nous avons droit à toutes les histoires possibles : pénurie de tout, combattants sans armes, dévouement, héros que l’on applaudit chaque jour à vingt heure à nos fenêtres, méchants qui volent des masques, qui expulsent des infirmières de chez elles. Notre télévision dégouline de bons sentiments jusqu’à la nausée. Je suppose que c’est à ça que ressemble l’information en temps de guerre. On fait peur et on rassure. Tu connais la chanson. C’est certain il y a là matière à méditer, mais je m’égare, ce n’est pas mon sujet.

Tu te souviens de la première guerre mondiale plus de dix huit millions de morts. Grippe espagnole dans la foulée plus de cinquante millions de morts. Les morts à la guerre, les soldats presque dix millions c’étaient des jeunes. La guerre ne faisait pas de tri parmi les civils. La grippe espagnole a, pour sa part, touché toutes les générations.

Je ne dis pas que la mort d’une personne âgée malade ce n’est pas grave. Nous avons raison de vouloir les garder auprès de nous le plus longtemps possible. Nous les pleurons et regrettons les obsèques sommaires auxquelles nous sommes contraints. Je me trompe peut-être sur la prévalence de ce virus à toucher les personnes âgées et particulièrement celles qui sont déjà affectées par d’autres pathologies. Je n’ignore pas qu’elle fauche aussi des plus jeunes mais plus rarement. Si c’est le cas, prenons conscience qu’une guerre ou une épidémie, qui laisse des jeunes veufs ou veuves par million, qui remplit les orphelinats d’enfants sans parents, laisserait infiniment plus de blessures durables qu’une épidémie qui touche essentiellement les plus âgés. Ce que je veux dire, rien de plus, c’est que si la jeunesse est préservée il y aura beaucoup moins de drames individuels et que la société aura plus de chances de s’en relever.

Nous savons et nous devons nous occuper des personnes âgées et chaque mort est un drame. Dans ce cas, la mort c’est juste un peu moins de temps de vie. La mort sait attendre un peu mais elle survient toujours. Si les forces vives sont là pour relancer une économie mise à mal par le confinement, je pense qu’elle aura laissé derrière elle moins de drames qu’une guerre et nous aura donné matière à réflexion, introspection et même à fucking méditation.

Cette pandémie n’est pas terminée, elle mettra longtemps avant de nous laisser en paix. Il est certain qu’elle va changer beaucoup de choses dans notre manière de vivre au quotidien. Elle va changer nos modes d’action économiques et sociaux, les relations avec les autres pays. Certain pensent que la prise de conscience écologique à laquelle ils aspiraient va enfin advenir. D’autres pensent que le populisme peut amener des régimes autoritaires à encadrer nos vies au détriment des libertés. Tout peut arriver et il est certain que les idéologues partout fourbissent leurs armes.

De mon balcon ou je médite je ne vois que la nature, dans sa majestueuse indifférence, à laquelle le printemps donne une vitalité exceptionnelle. Une nature à l'inépuisable vitalité, qui souffre parfois, mais s’accommode des humains. Je sais que si les humains n’apprennent pas à la respecter elle usera de moyens puissants pour se débarrasser d'eux. Peut-être par un virus, va savoir.

Montpellier le 7 avril 2020