Et
aujourd'hui alors ? Je vais bien…
« Alors
cette retraite ? » voilà une question qui m'est
souvent posée, toujours avec un air de connivence, mais des
intentions différentes ; gourmandise pour ceux qui y voient
l'occasion de réaliser des rêves enfouis après des années
contraintes; inquiétude pour ceux qui redoutent de ne pas savoir
meubler le temps laissé libre par la fin de la vie
professionnelle.
Après un an je réponds « je vais bien !»
Après un an je réponds « je vais bien !»
La
santé d'abord. Rien à signaler ; l'animal rustique lozérien
que je suis se porte comme un charme...pourvu que ça dure !
Il
y a un an, (déjà !) dans un discours prononcé, à l'occasion
de mon pot de départ à la retraite j'avais brossé les grandes
lignes de mon projet (de reste) de vie. Bien sur, malgré les
certitudes affichées, je ressentais de l'appréhension et
j'avais des doutes quant à ma capacité à jardiner la parcelle du
temps libéré par la fin de la vie professionnelle. Ce faisant
j'admettais qu'il pouvait y avoir un attachement au travail, moins
pour son intérêt intrinsèque, que pour sa capacité à structurer
la vie. Un emploi apporte la satisfaction d'être utile, il fournit
en supplément l'illusion d'une vie sociale.
On ne se pose pas la question du sens de la vie lorsqu'on a un emploi, une
famille, des enfants à élever.
Je
peux l'avouer maintenant j'étais inquiet.
D'un
côté, j'avais côtoyé des jeunes, en activité professionnelle,
répétant à l'envie « vivement la retraite ».ce qui
dénote le rejet du présent, accompagné du rêve, souvent
illusoire, d'un avenir ou l'on réaliserait enfin tout ce que le
présent interdit. Cette attitude recouvre souvent une incapacité à
se mettre en action au présent
J'avais
aussi l'exemple de retraites catastrophiques, de fins de vies
pourries par la frustration et la solitude faisant porter par les
enfants tout un poids de culpabilité. Le temps est révolu ou être
malheureux était une fatalité et même un titre de noblesse.
Abordant
la retraite, seul, divorcé, mes enfants éparpillés sur trois
continents, je n'avais guère d'autres choix que de compter sur moi
même.
Ma
conviction était que la vie à la retraite ne pouvait pas être
guidée par les questions du temps et du plaisir. Une telle
conception porte une inquiétude et ne peut engendrer qu'égoïsme et
frustration.
Ce que je fais reflétant ce que je suis, il m'appartenait de donner corps aux mots : confiance en soi, modestie, sérénité, sobriété et joie ; mais aussi, et surtout de cultiver la relation aux autres à travers la confiance, l'ouverture, la disponibilité, la compréhension, la compassion et surtout l'amitié. Lorsqu'elle est libérée de toute contrainte et obligations professionnelles, la vie n'a de sens que si elle contribue à rendre meilleurs et par la même plus heureux.
Moi :
Sport
Il
y a un an je pensais vélo, et bien mes vélos n'ont que peu quitté
leurs clous. J'ai fait pas mal de tours du bois de Montmaur en
courant, mais mon sport d'aujourd'hui, la marche nordique, je ne le
connaissais pas il y a un an, ou seulement par ouïe dire. Oui, il
s'agit de cette curieuse marche, avec des bâtons, venue de Norvège,
issue du ski de fond. Une amie m'y a initié, ensuite j'ai rejoint un
groupe, je m'y suis senti bien. Nous avons préparé le Marathon de
Montpellier et nous y avons participé. C'est une aventure sportive,
bien sur, mais aussi une aventure d'amitié. J'adore ce sport mais
surtout la chaleur de l'amitié d'un groupe d'amis, hommes et femmes
de tous ages. Nous avons à présent une page Facebook privée et, en
plus des entraînements hebdomadaires, nous organisons des sorties et
des piques niques.
Alimentation
Elle
participe, avec le sport, d'un cercle vertueux. Je prépare mes
repas, il ne tient qu'à moi de bien manger et je dois dire que la
viande a presque quitté mes repas, non par manque d’appétence,
mais comme l'avais pressenti Thorreau un signe de progrès et
d'humanisation.
Philosophie
Cela
faisait longtemps que je souhaitais combler les déficiences de ma
classe de terminale. Je n'avais alors même pas compris ce qu'était
la philosophie. Comment mieux s'interroger sur le sens de la vie
qu'en faisant de la philosophie. Je suis un cours annuel sur le thème
de l'humain et de nombreuses et passionnantes conférences dans le
cadre de l'Université du tiers temps. Ayant approché le
handicap et la pauvreté et constaté la montée du racisme et de la
xénophobie, mon souhait était de réfléchir sur l'humain (l'humanité). Par ailleurs des échanges amicaux ont stimulé ma
réflexion et m'ont donné envie d'aller plus loin.
Anglais
J'aurais
voulu améliorer ma maîtrise de l'Anglais avant de partir à la
retraite. Mon employeur n'a pas jugé utile de financer cette
formation. Je le fais donc maintenant dans le cadre de l'Université
du tiers temps. Quelques jours à New York avec ma fille ont achevé
de me convaincre de la nécessité de maîtriser l'anglais pour mieux
voyager.
Taï
chi, Chi Gong, Méditation
Je
pratique le taï chi depuis plusieurs années. J'attache une très grande
importance aux disciplines d'énergétiques chinoise
qui contribuent à ma démarche de recherche de la sérénité, de la
maîtrise et de l' équilibre à la fois physique et mental.
J'ai suivi des cours gratuits en Juin et septembre, ensuite j'ai eu
beaucoup de mal à trouver un enseignement qui me convienne. C'est à
présent chose faite. Je me suis engagé dans la pratique de la
méditation et je compte bien l'approfondir dans l'avenir.
Sobriété
Nous
sommes entrés dans une période de grande confusion des idéologies
politiques. Il s'agit d'une vague profonde, très dangereuse qui
risque de balayer les formes actuelles de la démocratie. On ne peut
pas, dans notre pays, faire porter la responsabilité de cette
dés-errance sur le gouvernement ou un dirigeant.
Pour ce qui me concerne, en toute humilité, je pense que la seule
voie possible est celle de la sobriété. J'adhère donc aux
principes humanistes de Pierre Rabhi qui engage chacun
à adopter un mode de vie plus sobre et comme le
colibri à faire sa
part. http://www.colibris-lemouvement.org/ « La
vraie révolution est celle qui nous amène à nous transformer nous
mêmes pour transformer le monde »
Potager
Cela
peut paraître contradictoire avec ce que je viens d'écrire, mais
j'ai arrêté le potager en octobre. Mes récoltes 2014 ont été
catastrophiques, simplement parce que je n'ai pas donné à ma
parcelle le soin minimum qui l'aurait rendue généreuse. Manque
d'envie, perte de plaisir, éloignement, trop d'essence consommée
pour cultiver quelques légumes bio. En fait le potager ne s'inscrit
plus dans ma vie d'aujourd'hui, j'achève ma mutation urbaine et
confirme ma tendance hédoniste. Je ne trouve plus de plaisir au
jardinage, j'arrête le jardinage. Il faudra quand même que je
trouve des fèves, des petits poids primeurs au printemps et de
bonnes tomates en été pour me régaler.
Le Beau :
Mon
goût pour l'art n'a pas attendu l'age de la retraite.
Lecture
j'ai
toujours été un gros lecteur. J'ai toujours un livre voire deux ou
trois en cours, en papier ou/et sur liseuse
électronique. J'ai même commencé un blog sur les livres tombés
dans le domaine public que l'on se procure gratuitement sur
Amazon http://livresdudomainepublic.blogspot.fr/.
Peu de lecteurs certes, mais qu'importe, en plus de mon goût pour la
lecture, j'exerce l'écriture. J’essaie de produire un post par
mois. Pour le moment j'ai écrit sur Mob Dick de Herman Melville, sur
l’œuvre de Kafka et Walden de Henri David Thoreau, je travaille
actuellement sur « Au Maroc » de Pierre Loti, ensuite je
me confronterai à Bergson et à Sade .
Expositions,
concerts, Théâtre, danse, conférences, dédicaces
Je
suis à l’affût de tout ce qui se passe, et je profite à fond de ce qu'offre la ville. Je suis devenu « ami » du
musée Fabre et j'ai à portée de main tous les programmes des
festivals, théâtre, musique, expositions, signatures, répétitions,
agora des savoir. Je reçois par internet les news letter de tous les
acteurs culturels. Je me plais à être un retraité 2.0. Je
m'inscris pleinement dans mon époque et profite de toutes les
facilités qu'offrent les nouvelles technologies de la communication,
les moyens de transports collectifs, en un mot toute l'offre sociale
et culturelle de la grande et belle ville qu'est Montpellier. Il est
vrai que les retraités d'aujourd'hui, surtout en ville, sont bien
plus gâtés que ceux d'hier ! Il y a tant d'opportunités à
saisir.
Peinture
Depuis
l'enfance je n’ai quasiment jamais cessé de peindre. Si depuis un
an mes pinceaux ne sont pas sortis, cela ne veut pas dire que j'ai
renoncé. J'ai des toiles et des idées en réserve, mais manquant de
place pour m'étaler j'ai mis la priorité sur d'autres activités.
Je vais m'y remettre, ma dernière toile n'est pas encore peinte.
Les
Autres :
Inutile
d'insister sur l'importance des autres dans la construction d'une
vie. Le fait d'être seul rend d'autant plus indispensable la
présence des autres. Présences anonymes dans la ville, présences
« professionnelles » dans le bénévolat, présences
amicales, et enfin la famille, toujours proche grâce à internet et
à Air France.
Bénévolat
Des
trois termes de la devise républicaine, un est à portée de chaque
personne c'est Fraternité. Je ne concevrais pas de vivre une
retraite tournée exclusivement vers des plaisirs personnels. Je suis
en excellente santé, je perçois une pension suffisante, je suis
donc en mesure de participer à la vie associative au service des
plus mal lotis de notre société. Les causes ne manquent pas ;
les luttes sociales : contre l'atome, la torture, les gaz de
schistes, la défense de la biodiversité, des animaux sauvages,
domestiques, d'élevage ou de boucherie, contre l'exclusion, la
pauvreté, les violences conjugales, l'enfance martyre… J'ai choisi
deux causes, enfin plutôt deux causes sont venues à moi. La lecture
pour les malvoyants et l'aide alimentaire aux plus démunis. L'une se
pratique chez moi, à temps perdu, l'autre à l'extérieur.
-Donneurs
de voix : Je lis à haute voix et j'enregistre en format MP3 des
livres destinés aux malvoyants. J'adore lire à haute voix et je
suis assez rigoureux et au fait de la technique informatique pour
faire de beaux enregistrements. Les membres de l'association sont
sympathiques, mais je ne les vois qu'à l'occasion de la remise de
mes enregistrements et de quelques comités de lecture ou réunions
des instances de l'association. Le travail de lecture et
d'enregistrement demande de la rigueur et de la détermination, aussi
les donneurs de voix véritablement actifs, sont assez peu nombreux.
Il est gratifiant d'entendre les témoignages de remerciements que
les malvoyants adressent à l'association.
-Saint
Vincent de Paul : je consacre trois matinées par semaines à
l'accueil social du restaurant et de l'épicerie de
l'espace solidarité de St Vincent de Paul. La mission que je partage
avec quelques retraités est d'accueillir des personnes ou des
familles qui nous sont adressées par des travailleurs sociaux pour
qu'on leur vienne en aide sur le plan alimentaire. Quelques lignes ne
peuvent rendre compte de cette expérience, je compte bien en
témoigner plus longuement par ailleurs.
En
échange du peu de temps que je donne, ces moments de bénévolat
sont pour moi une source d'enrichissement. Je suis confronté à tous
les visages de la pauvreté et même de la misère. Drame du chômage
qui contraignent des familles à vivre avec les minimas sociaux,
drame du divorce qui s'ajoute souvent aux dégringolades sociales
pour réduire les familles en miettes, des vieux presque sans
ressources, des immigrés, des demandeurs d'asiles, des sans
domiciles, malades, y compris mentaux, jetés à la rue, femmes
isolées, battues, anciennes prostituées. Je voudrais bien dire que
mon moteur est la compassion, mais ce n'est pas tout à fait vrai.
Personne ne demande de compassion, chacun veut de l'humanité.
J'affirme, quitte à surprendre les esprits Zémourisés, que je n'ai
affaire qu'à des gens respectueux, patients, polis ; Dignes,
même si souvent ils sont honteux de se retrouver dans un bureau
d'accueil social pour demander de l'aide. Seules quelques personnes
alcoolisées rompent parfois le pacte de respect.
Je
suis révolté et inquiet par la banalisation des discours xénophobes
qui considèrent que les individus, surtout, les pauvres et les
étrangers (ou considérés comme tels) sont responsables des maux de
la société. Ce qui m'indigne ce sont les mécanismes de la misère,
les causes politiques et économiques du creusement inouï des
inégalités mais aussi les règles administratives inadaptées qui
mettent certaines personnes dans des situations kafkaïennes.
Le
temps ne m'étant plus compté, celui que je donne à Saint Vincent
de Paul ne me coûte rien. Je reçois beaucoup plus que je ne donne,
en tout cas je profite d'une belle leçon d'humanité.
Amitié
En
Philosophie l'amitié s'analyse comme le travail, c'est à dire une
production de l'homme, qui au bout du compte l’anoblit. L'amitié
est la recherche du bien, chez la personne aimée mais aussi en
soi-même. « l'amitié est une vertu, ou tout au moins elle
s'accompagne de vertu, de plus elle est absolument indispensable à
la vie ; sans amis nul ne voudrait vivre, même en étant comblé
de tous les autres biens » Aristote (déjà).
J'avoue
humblement que je découvre sur le tard le vrai sens de l'amitié.
J'ai eu la légèreté de vivre comme si tout allait de soit. Le
couple, la famille, les amis, fidèles ou renouvelés régulièrement.
Tout était donné, en quelque sorte consubstantiel à la vie,
éternel.
Bien
sur j'ai déchanté. Il y aurait beaucoup à dire sur les couples
qui croient se suffire à eux même. J'ai retrouvé la liberté
d'avoir des ami(e)s et j'en profite. L'amitié a ceci de commun avec
l'amour qu'elle naît et prospère sur des terreaux très différents.
De toute relation ne naît pas une amitié. On ne cultive pas une
amitié, elle pousse toute seule comme une plante sauvage, là ou
elle veut, comme elle veut. Elle profite d'une complicité, de la
confiance, de secrets partagés, du plaisir d'échanger, d'intérêts
communs, d'atomes crochus en quelque sorte et du plaisir d'être
ensemble.
L'amitié
se révèle, comme une bonne surprise, en splendeur, avec toutes ses
feuilles et ses fleurs. L'amitié est toujours un émerveillement.
Parce qu'elle est une plante sauvage, l'amitié est naturelle et
robuste. Elle n'exige que peu de soin. Juste de maintenir le climat
et l’ensoleillement qui l'ont vu naître. En plus contrairement à
l'amour elle ne se formalise pas de la concurrence. Rien à voir avec
la détestable rose du Petit Prince.
Cette
dernière année m'a dans ce domaine réservé de belle surprises.
Les amitiés anciennes se sont prolongées. Quelques une ont émergées
sur des terrains très différents. Je n'en dirai pas plus. L'amitié
ne se crie pas sur tous les toits. Les personnes concernées se
reconnaîtront j'espère.
Je
suis à la fois étonné et ravi d'aimer et surtout d'être aimé. Je
crois et je le regrette qu'avant, je n'en éprouvait pas le besoin,
je ne faisais aucun effort pour être agréable ni à mes yeux, ni à
ceux des autres. Je prenais sans savourer, je n'aimais même pas
qu'on m'aime. Je pense sincèrement qu'accepter l'amour des autres
est un grand progrès.
Famille
Si
le repas du dimanche structurait la vie des familles d'hier, la
mienne doit sa cohésion à Yahoo, g mail, Google+, Skype, et Air
France. Je suis un père et un grand-père de l'ère internet. Chacun
sait que le poulet rôti du dimanche était le cauchemar des gendres
et des belles filles. Je ne vais quand même pas être nostalgique
d'une situation que j’abhorrai quand j'étais jeune père. J'ai
toujours apprécié de vivre loin de mes parents. Je ne peux donc pas
m'affliger de l'éloignement de mes enfants. Internet aujourd'hui
offre à chacun des moyens de communication gratuits et conviviaux
fantastiques, sans comparaison avec le courrier postal ou le
téléphone international hors de prix d'hier.
Mes
séjours à Nouméa et Montréal m'ont permis de m'approprier ces
villes ou je me sens chez moi parce que quand j'y vais, j'y vis tout
simplement. Loin d'être frustré, bien que passant de longues
périodes seul à Montpellier, je me sens au contraire privilégié
et je suis certain que mes petits enfants ne souffriront pas d'un
manque de Grand Père.
Ce
bilan j'ai pu l'écrire car ma vie d’aujourd’hui procède d'une
réflexion sur moi-même et d'un effort, même au quotidien, pour
chasser l'indolence, être plus disponible et plus tolérant en un
mot devenir meilleur. Si je partage cette réflexion c'est parce que
j'ai confiance en la vie et en ceux qui m'aiment et suivent ce
blog….merci.
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