dimanche 26 avril 2020

Fucking méditation-Le monde d'après le Covid 19

Œuvre de Zest réalisé en live au Musée Fabre de Montpellier


Fucking méditation-Le monde d’après

L’homme est une invention dont l’archéologie
de notre pensée montre aisément la date récente
et peut-être la fin prochaine.
Michel Foucault

Mise en confinement de plusieurs milliards de personnes, arrêt brutal au niveau mondial d’une grande partie de l’activité économique, gestion sanitaire et politique chaotique ; les conséquences de la pandémie due au Coronavirus sont d’une telle ampleur, tant sur nos vies personnelles que sur l’organisation, sociale, économique et politique des nations et du monde qu’il est difficile de penser qu’on a seulement appuyé sur le bouton pose. Les grandes crises, et celle-ci particulièrement, puisqu’elle a mis une grande partie de la population à l’arrêt, confinée chez elle, sont propices à l’introspection, aux remises en question et aux résolutions.

Certains s’en prennent à penser qu’ils(elles) seront meilleurs dans un monde meilleurs, d’autres que l’humain étant ce qu’il est, il va consacrer toute son énergie à remettre en place les choses et que le monde repartira aussi frénétique et insouciant qu’avant, enfin il y a ceux qui sont convaincus que cette crise a été sciemment provoquée par des esprits maléfiques pour mieux soumettre et asservir la population. Chacun applique à l’époque le filtre de ses convictions, de ses préjugés, de sa confiance ou de sa défiance, de son optimisme ou de son pessimisme. J’ai noté hier en regardant la télé, cette phrase un peu cynique de Gérald Bronner, sociologue «Les gens projettent sur le monde d’après ce dont ils avaient envie avant».

Une fucking méditation est un exercice, sans règles, de subjectivité assumée. Il s’agit simplement de tourner autour du sujet et de l’examiner sous toutes ses facettes, ni analyse documentée, ni philosophie, juste une errance de la pensée nourrie par ce qui se dit et s’écrit. Notre esprit est mitraillé par une foule, d’informations, de points de vue, de controverses, de débats. Plus que jamais, il est important pour se faire une idée, la plus juste possible, de faire le tri entre des expressions mues, pour certaines par la peur, des intérêts partisans, des querelles d’égo, des points de vue divergents, y compris chez les scientifiques, des expressions farfelues ou malveillantes mais aussi des ignorances qui ne veulent s’assumer.

Pour ce qui concerne l’Etat, ses explications et les justifications de sa politique, j’ai toujours en tête, depuis mes lectures de jeune enseignant, l’analyse de Louis Althusser dans «idéologie et appareils idéologiques d’Etat»  qui pose que toute expression de l’Etat est idéologique dans la mesure ou sa finalité est sa protection et la reproduction de l’ordre politique. Par nature l’expression de l’Etat, a pour finalité de préserver l’ordre public. Les déclarations sur les masques, mais aussi les tests, qui ont été déclarés dans un premier temps inutiles, pour dissimuler une pénurie, donc le manque d’anticipation, en le meilleur exemple, mais pas le seul. Ce qui est vrai pour l’Etat l’est aussi pour les institutions dont l’expression met en jeu leur crédibilité donc leur pérennité.

Vers la civilisation des masques

Une pensée également pour Michel Foucault, philosophe important de ma jeunesse étudiante et enseignante, il y a presque cinquante an, (Mes étudiants en Sociologie des Organisations à l’Université d’Oran m’avaient surnommé Althusser, Balibar, Foucault, ABF). Foucault considérait déjà que le pouvoir ne contrôle plus le comportement des individus mais que c’est la vie des individus qui est devenu le but et l’objet du pouvoir. Les concepts de bio pouvoir et de bio politique expriment le remplacement du pouvoir pénal par le pouvoir médical. L’espèce humaine est un «corps» collectif dont le pouvoir prend soin : naissance, santé, accidents, vieillesse, mort. Il y a cinquante ans Foucault avait déjà perçu que le pouvoir médical se substituait progressivement au pouvoir pénal. Le fait que l’Etat ait créé à ses côtés un comité d’experts scientifiques pour l’accompagner dans ses choix politiques et les justifier est particulièrement significatif.

C’est contre ce pouvoir, qui a pris en main de manière autoritaire notre santé, pour faire face au coronavirus, que le philosophe André Conte Sponville fait entendre une voix dissonante. Dans un entretien à la Publication «le télégramme» du 23 avril (je ne connais pas cette publication, je suis tombé dessus en recherchant les propos du philosophe que j’avais entendus à la radio sans les noter) « ce n’est pas le principe de précaution qui me gène,....c’est plutôt ce que j’appelle le Pan-médicalisme, faire de la santé la valeur suprême, ce qu’elle n’est pas. Je mets plus haut la justice, l’amour et la liberté. Cela conduit à laisser à la médecine la gestion de nos maladies, ce qui est normal, mais aussi de nos vies et de nos sociétés, ce qui est beaucoup plus inquiétant.»

Vous avez bien sûr remarqué que toutes les annonces politiques au plus haut niveau de l’Etat sont systématiquement assorties de la caution du comité scientifique ou d’experts en épidémiologie.

Ces prémisses philosophiques étant posés, je vous laisse les méditer. Qu’est ce qui nous attend ?

«Le retour à la normale n’aura pas lieu avant longtemps, car il n’y a pour l’instant ni médicament ni vaccin.» Edouard Philippe le 19 avril

Nous avons connu l’avant SIDA, sexuellement insouciant et l’après avec préservatif obligatoire. Nous avons connu l’avant attentats terroristes et la liberté d’aller et venir et l’après avec multiplication des contrôles, fouilles des sacs et autres mesures de sécurité. L’après Covid sera bien pire, pendant longtemps, très longtemps... toujours peut-être, port du masque, mesures de distanciation, réduction des contacts physiques qui ne seront réservés qu’aux plus proches, méfiance réciproque, pas touche. Et puis hygiène, hygiène, hygiène. Mains lavées, relavées désinfectées. Qu’est-ce qu’on intériorise vite.

Je n’ose même plus imaginer, un concert, un match, une manifestation, une fête. Déjà notre regard est choqué par des images de foule et de gens qui s’embrassent. De nombreux projets sont d’ores et déjà en pause : mariages, achats importants, immobiliers en particulier, déménagements, voyages...Pour tous ces projets il ne suffira pas d’appuyer sur la touche reprise, ils devront être reconsidérés, reconfigurés pour tenir compte des mesures d’hygiène qui seront alors la norme.

L’après, pour toi, pour moi pour tout le monde, et dans tout le monde, ce sera d’abord un quotidien distancé, un quotidien ou l’autre est susceptible de transmettre la mort. C’est sûr je m’adapterai, nous nous adapterons tous. D’ailleurs on l’est déjà.

Je confie la conclusion de ce paragraphe à Michel Foucault «N’oubliez pas d’inventer votre vie» et à André Conte Sponville «Pour guider ma vie, je compte plus sur moi-même que sur mon médecin.»

Tirer les leçons

Le gentil chanteur Françis Cabrel déclare à France Bleu Périgord «J’espère qu’on retirera des leçons de tout ça» Derrière le «on» il y a les personnes qui réfléchissent et se projettent dans l’après. Il y a aussi, les institutions, les entreprises, les responsables politiques qui portent la responsabilité de préparer l’avenir et qui se posent la question de savoir ce qui a foiré pour qu’un virus parvienne en deux mois à mettre à genou tous les pays du monde, pas seulement leurs économies, mais aussi tous leurs fondamentaux de dirigeance.

Il y aura chez nos dirigeants, comme chez les individus, une part de bonnes intentions qui ne se réaliseront jamais, mais aussi de vrais changements. Je ne suis pas certain que ce qui se prépare conduise à un monde meilleurs. Les rapports de force n’auront guère été affectés par la pandémie, les mentalités non plus, alors ne rêvons pas trop à un monde meilleur.

Le point de vue de Edgar Maurin, le génial sociologue, presque centenaire, a été beaucoup sollicité durant ces dernières semaines. L’invasion mondiale du virus a, selon lui, provoqué une crise de civilisation qui de fait obligera à changer nos comportements tant au niveau individuel, que local et planétaire. Elle nous amène à nous interroger sur notre mode de vie, nos vrais besoins masqués par les aliénations du quotidien. Il pense que la course à la rentabilité et les carences dans notre mode de vie sont responsables d’innombrables dégâts humains causés la pandémie. Autrement formulé face à un virus notre civilisation s’est avérée fragile. La globalisation apparaît comme un processus qui peut provoquer autant de nuisances que de bienfaits.

Le confinement nous a contraint à modifier nos habitudes de vie. Le télétravail peut amener à changer le fonctionnement des entreprises, accélérer le retour aux productions et aux commerces locaux, pas seulement dans les domaines agricoles et alimentaires, mais dans bien d’autres indispensables au quotidien, je pense en particulier aux médicaments.

La solidarité, dont la période a donné d’innombrables exemples, pour faire face à des pénuries ou aux difficultés de certaines personnes ou de certaines profession pourrait s’ancrer durablement dans nos pratiques. Par son caractère mondial et universel le Coronavirus nous montre que, qu’on le veuille ou non, nous sommes liés par une communauté de destin.

Tirer les leçons de cette crise, ce n’est pas seulement une affaire de vœux pieux, à jamais sans suite. C’est une affaire de survie de l’humanité. Il faut réfléchir, et vite sur nos modes de consommation et d’alimentation, se désintoxiquer de la culture industrielle, autrement dit, revoir notre rapport à la nature, mais aussi prendre durablement conscience que l’amour l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui fait la qualité de la vie. C’est Edgar Maurin qui le dit.

Cependant quand je vois des files de voitures qui patientent jusqu’à trois heures pour accéder au drive d’un restaurant Mac Donald qui vient d’ouvrir après un mois de fermeture, quand je les entends dire «enfin un vrai repas !» j’ai quelques doutes sur notre capacité à tirer vraiment les leçons. Je suis conscient que je fais parti d’une minorité qui se dit bien pensante. Cependant si certains rêvent Mac Do, moi je rêve d’une pinte de bière, dégustée à petites lampées, confiné au fond d’un bar face à une personne dont je me remplirai les yeux et le cœur. Désir de Mac Do ou désir de bière au fond c’est pareil. Nous voulons que la vie d’avant revienne... un peu.

Le virus nous rappelle également que «l’incertitude est un élément inexpugnable de la condition humaine.», incertitude sur l’origine du virus et sur toutes ses conséquences dans les domaines socio-économiques.

Dans un monde incertain, le seul moyen de s’en sortir est de se raccrocher à des valeurs. C’est moi qui le dit. C’est mon seul principe d’éducation.

Inégalités

Ceux qui auront perdu leur emploi, voire leur entreprise, ceux qui partout dans le monde ne peuvent plus se nourrir, auront du mal à se projeter dans un monde différent, plus juste, plus solidaire. Les inégalités si fortes dans le monde d’avant vont s’accroître, jusqu’à devenir intolérables. La pauvreté et les besoins immédiats qu’elle suscite ne va t-elle pas anesthésier toute volonté de changement vers un monde plus respectueux et ramener les responsables aux vieilles recettes du capitalisme mondialisé, en pire puisqu’ils vont vouloir s’affranchir des quelques avancées sociales et environnementales gagnées de haute lutte pendant les dernières décennies.   

L’état d’esprit de chacun dépend de sa situation personnelle pendant la période de confinement. Les biens confinés, grand espace, frigo plein, profitent des réseaux sociaux pour suivre et pratiquer des activités ludiques culturelles, sportives ou de développement personnel. Ils savent également se connecter à des réseaux d’approvisionnement de proximité, de préférence bio. Ces privilégiés du confinement vont voir dans cette période une occasion d’adopter des habitudes de consommation plus responsables, de mieux respecter la nature et d’être plus bienveillants et solidaires. Les médias qui sont peuplés de ces gens là se font largement l’écho de belles histoires de solidarité et d’attention aux autres.

Cette vision d’un après qui saura tirer les leçons et sera meilleur, est elle illusoire, compte tenu de la nature humaine ? Changer en mieux est-il impératif compte tenu compte tenu de la fragilité de notre système face à un virus ?

Les mal confinés, dans des appartements trop petits, avec une famille trop nombreuse n’en peuvent plus, et n’ont qu’une hâte, que ça se termine. Pour eux pas vraiment de bonnes résolutions. Vite retourner au travail, pour ceux qui ne l’ont pas perdu, et les enfants à l’école. Il y a aussi les entrepreneurs, petits moyens et gros qui sont, malgré les aides entrain de tout perdre, leur affaire, leur salariés. Ils ne dorment plus. L’après sera au bas mot une épreuve, au pire une catastrophe. Ceux qui auront perdu leur emploi voire leur entreprise auront du mal à se projeter dans un monde différent, plus juste, plus solidaire.

Je lis également dans le journal «Le Monde» (22 avril) que partout dans la planète le confinement de plusieurs milliards de personnes est entrain de provoquer un gigantesque choc social. La première répercussion visible se trouve dans les soupes populaires et les banques alimentaires. Des milliers de personnes qui vivaient sans réserves financières ont basculé en même temps et se sont retrouvées soudain sans ressources.

Un reportage du journal Le Monde du 18 avril 2020, raconte le quotidien d’habitants de quartiers populaires, notamment Clichy sous bois en Seine Saint Denis, ou se multiplient les files d’attente devant les distributions alimentaires. En commentaire d’une photo Sylvie Kauffmann écrit «Les premiers sont arrivés à huit heures, soit trois heures avant l’ouverture des portes de la maison de la jeunesse de la ville. A onze heure, la file d’attente s’étirait sur plus de trois cent mètres.» on voit bien sur la photo que les gens sont les uns sur les autres, ce qui fait dire à certains «si on remplit le frigo, on chope le coronavirus.» Le président des restos du cœur Patrice Blanc explique que tous ses centres restés ouverts en France sont pris d’assaut.

Devant l’Université Paris 8 de Seine Saint Denis, le mercredi 22 avril des centaines de colis alimentaires fournis par le Secours Populaire ont été distribués à des étudiants dans la précarité, confinés dans leur chambre de cité universitaire. Les bénévoles ont constaté que certains, faute de pouvoir acheter de la nourriture, se sont mis en mode rationnement, un seul repas par jour, pas du tout équilibré. Le gouvernement recherche une solution, mais très clairement aujourd’hui, les étudiants qui ont perdu les petits boulots qui leurs permettaient de vivre sont tombés dans la précarité.

Je lis dans le Huffington Post (22 avril) que l’ONU tire la sonnette d’alarme. «D’ici à fin 2020 le nombre de personnes au bord de la famine pourrait passer de 135 à 265 millions à cause de l’impact économique du Coronavirus.»  Avant l’épidémie la situation s’aggravait, la fermeture des frontières va rendre impossible l’acheminement de l’aide alimentaire. Une «pandémie mondiale de famine» se profile en 2020.

Nous sommes à un peu plus de la moitié de la période de confinement et chacun sait que la date du 11 mai ne fera que marquer le début d’une reprise qui sera compliquée et très longue. L’économie sera alors jonchée de cadavres d’entreprises mortes et la plupart des autres ne seront pas très gaillardes.

En touchant durement les plus pauvres, précaires, fragiles, cette crise terrible va creuser encore les inégalités qui étaient déjà insupportables dans le monde d’avant. Il faut bien avoir à l’esprit que ce ne sont pas ces gens là, qui se disent que le confinement est le moment de penser à un monde meilleurs et plus solidaire. Ils sont noyés dans des problèmes de survie au quotidien dans des appartements exigus, sans ordinateurs pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur scolarité à distance. Leur porte monnaie et le frigo sont vides. Ils veulent seulement que les choses reprennent et vite.

A l’heure ou le dé-confinement est à l’ordre du jour dans tous les pays, a l’heure ou les économistes font les comptes du coût de la crise et des montagnes de dettes accumulées par les États pour éviter, dans l’urgence que tout ne s’effondre, la petite musique que l’on entend du côté de l’OCDE (Mathieu Plane, économiste à France Info) est «pour relancer l’économie il faudra que les Français consomment ce qu’ils sont entrain d’épargner.»

Consommer quoi ? de tout ! Des voitures, des maisons, de l’électronique, des gadgets, des fleurs, des hamburger de chez Macdo et, le plus tôt possible, des croisières stupides, des voyages gadgets, organisés pour qu’on se sente comme à la maison. Les bonnes vieilles recettes en pire parce que affranchies de réglementations tatillonnes dont nos bons vieux capitalistes requinqués vont vouloir s’affranchir. Nos dirigeants auront bien du mal à faire respecter toutes les avancées acquises de haute lutte par l’ancien monde parce qu’elles seront considérées comme des freins à la relance. Quel sort va être réservé aux avancées sociales, en particulier le droit du travail, au respect du bien être animal , à l’utilisation à outrance des énergies fossiles, des pesticides et du plastique. Je ne donne pas cher du «tirer les leçons» face au réalisme intéressé des puissances d’argent.

Dans notre monde plein d’inégalité le paradoxe est que les plus puissants, par intérêt immédiat et les plus pauvres par urgence vont vouloir vite remettre sur pied un monde comme avant. La voix des classes moyennes éduquées et prête à expérimenter d’autres façons de vivre, plus sobres, plus solidaires, plus respectueuses risque de rester inaudible dans la puissante vague de la reprise.

Requiem pour le climat

L’après ne se prépare pas dans la tête des philosophes, ni dans les rêves des belles âmes qui y projettent leurs rêves bienveillants de respect de la terre, des animaux et des autres. L’avenir se prépare par de gigantesques plans de relance qui vont déverser des milliards de dollars, de yens ou d’euros d’argent public. Peu importe, le cour du change des grandes devises n’a que peu d’importance à ces niveaux astronomiques.

En France, après avoir voté en mars un plan d’urgence de 45 milliards d’euros, compte tenu de l’ampleur de la crise, c’est à présent 100 milliards qui sont annoncés intégrant les moyens pour le chômage partiel et les reports de charges (20 milliards), un fond de solidarité pour les très petites entreprises (6 milliards), dépenses exceptionnelles pour la santé (7 milliards)

Au niveau Européen, la banque centrale Européenne a dès le 19 mars annoncé un programme de rachat d’actifs 750 milliards d’euros qui s’ajoutent aux 250 milliards déjà mobilisés. Ces fonds vont permettre aux banques des États membre de continuer à prêter de l’argent aux entreprises et aux États. L’Union Européenne a eu du mal à passer outre ses dissensions pour s’accorder sur un plan de relance commun. Après la réunion du 26 mars au cours de laquelle s’étaient étalées les mésententes et règlements de compte entre les États, une nouvelle réunion le 24 avril a permis de parvenir à un accord sur un paquet de 540 milliards d’Euros de mesures immédiates qui mêleraient prêts et subventions.

Le plan de relance des États Unis, voté fin mars par le congrès et approuvé par le sénat (CARES Coronavirus aid, relief and économic security) s’élevait à 2200 milliards de dollars, (10% du PIB) auxquels viennent s’ajouter 483 Milliards supplémentaires votés le 23 avril.

Des dizaines de millions de familles vont recevoir un chèque de 1500 dollars plus 500 par enfant.  L’assistance chômage sera élargie. Les hôpitaux se partageront 100 milliards. Les entreprises, des grandes, comme les compagnies aériennes et la société Boeing bénéficieront de 500 milliards de dollars. 350 milliards de dollars iront sous forme de prêts aux entreprises et associations de moins de cinq cent salariés à condition qu’elles continuent à les payer.

La question est de savoir si la relance sera verte ou carbonée. L’expérience nous montre qu’il y a eu une forte hausse des émissions de CO2 après la crise de 2008. Cette relance s’était faite sur l’augmentation de consommation des énergies fossiles. Fera-t-on mieux en 2020 ?

Le contexte économique mondial n’y est pas favorable. Des chefs d’Etat climatosceptiques dirigent des pays puissant. L’innommable Trump à quitté l’accord sur le climat. Bolsonaro détruit la forêt amazonienne pour cultiver du soja transgénique. La chine qui, quoi qu’elle en dise, a laissé, par goût du secret, échapper ce virus sournois, va mettre massivement le charbon et le pétrole à contribution pour renouer avec une croissance à deux chiffres. Il semble que la crise sanitaire a d’ores et déjà pour effet de favoriser les replis nationalistes mais aussi de conforter voire d’accélérer les tendances géopolitiques déjà à l’oeuvre ; affirmation de la Chine, replis américain, chicayas en Europe. Partout ou presque la démocratie est en danger, le populisme gagne du terrain. La fragilisation des individus par la crise est un terrain favorable pour les populistes qui veillent et qui ont plus en tête l’autorité que l’écologie.

Le Haut Conseil pour le climat, en France, s’inquiète il craint que dans l’urgence l’économie, les entreprises et même les individus retournent à ce qu’ils savent faire. Pour les particuliers des questions se posent sur la durabilité des bonnes habitudes prises pendant le confinement de recours aux circuits courts, au télé travail et aux solidarités de proximité. Il en appelle donc aux pouvoirs publics pour assortir les conditions d’aides d’engagements pour atteindre la neutralité carbone y compris des secteurs comme l’aérien.

La Chine et le Canada ont déjà prévu, dans leurs dépenses structurelles des projets importants de d’infrastructures énergétiques à base d’énergies fossiles. Ne parlons pas des États Unis qui sont présidés par un climatoseptique notoire. En Europe la République Tchèque et la Pologne demandent à s’affranchir de la mesure européenne phare qu’est le Green New Deal.

La France vient d’accorder 7 milliards d’aides publiques à la compagnie aérienne Air France KLM. Nos responsables politiques se répandent dans les média pour garantir que cette aide sera assortie de conditions environnementales. Jouez violons, «on va faire de Air France la première compagnie aérienne zéro carbone»...7 milliards d’euro soit une dette d’environ 100 euros par Français, ce n’est certainement pour engager la compagnie à diminuer sa flotte et à faire voler les avions sans Kérosène. Il devrait y avoir aussi 300 milliards pour l’industrie automobile. On le jure ils seront contraints de passer à l’électrique. Plus écologique l’électrique ? Qui y croit ?

Des voix, nombreuses, s’élèvent pour profiter de la relance pour ne pas reprendre à l’identique ce que l’ont faisait avant. Mais les lobbies s’activent auprès des pouvoirs publics pour préserver leurs intérêts qui ne sont pas les mêmes que ceux de la nature. Notre très vieux MEDEF (Syndicat patronal) a osé un courrier à Elisabeth Borne Ministre de la Transition écologique et solidaire pour demander la suspension des réglementations environnementales en France. Inimaginable, ils ont osé ! Cette crise remet au goût du jour l’adage «chassez le naturel il revient au galop» , une honte en tout cas pour le patronat français.

 A l’heure ou les entreprises font le compte de ce qu’elles ont perdu et des surcoûts inévitables que vont générer les mesures d’hygiène et de distanciation qu’elles doivent mettre en œuvre pour reprendre leur activité, alors que le virus circule encore, nous pouvons légitiment penser que les préoccupations environnementales qui leur avaient souvent été arrachées passent sous le tapis.

Chacun reconnaît, à mille signes, que la Planète va mieux après deux mois de pause. Beaucoup ont pris conscience que notre agitation frénétique perpétuelle, souvent pour des motifs aussi futiles que le tourisme de masse ou la consommation destruction d’une pléiades d’objets aussi moches qu’ inutiles n’apporte pas le bonheur. Cette vaine agitation et notre boulimie d’objets et de services, fait tourner des usines en Chine, voler des avions, naviguer des paquebots grands comme des villes. L’économie mondiale est boursouflée simplement parce que nous sommes dans une société de consommation. C’est à dire une société d’insatisfaction, de gâchis et de pollution (pour faire et pour se débarrasser des déchets)

Seule la sobriété partagée pourrait sauver le climat, mais elle ruinerait l’économie boursouflée que l’on veut relancer. Alors ne rêvons pas. L’urgence est de faire revoler les avions, relancer les usines d’objets en matière plastique, l’urgence est de faire des cadeaux inutiles à la fête des mères et à noël, d’offrir du muguet le premier mai, et d’acheter des chrysanthèmes en novembre.

Les Milliards, n’en doutons pas sont pour une relance de ce qui s’est arrêté, au moment ou ça s’est arrêté, une relance qui sera facilitée par des entorses aux quelques engagements climatiques pris avant la crise. Nous aurons des années pour en rediscuter et faire quelques pas à nouveau. Le virus nous a fait gagner deux mois sur le réchauffement climatique. Nous allons pouvoir reprendre tranquillement notre chemin vers des catastrophes climatiques ou autres, y compris de nouveaux virus,vers un inconfort de plus en plus grand à vivre sur une planète violente et surchauffée.

Nous entrons dans l’ère des catastrophes. Piètre humanité tu ne l’auras pas volé.

En attendant j’espère pouvoir bientôt boire une pinte de bière rousse en terrasse sur l’esplanade ombragée de platanes de Montpellier.

Montpellier le 26 avril 2020











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