mercredi 16 juin 2021

Un dialogue est-il possible entre l'art dans les musées et le streetart ?

 Du Musée Fabre au faubourg Méditerranée

 

Line up et le Musée Fabre ont établi un partenariat pour organiser des visites en deux temps, une heure dans le musée accompagnée par une ou un médiateur (trice) qui introduira, en les commentant quelques œuvres du musée. On verra ensuite lors d’une visite du quartier de la méditerranée riche en street art que ces deux mondes apparemment si éloignés sont en fait reliés par de nombreuses thématiques.

 

Les œuvres choisies pour la visite du quartier Méditerranée permettront d’aborder une réflexion autour de quelques mots clés : Influence, hommage, transgression, collectif/crew, éphémère, conservation, œuvre, valeur .

 

Nos commentaires porteront sur ce que disent les œuvres et comment elles le disent à travers l’analyse de leur contenu et de leur support. Quel message ? quelle technique ? copie, original ? quelle influence ? Graffiti, Street art, qu’est-ce qui les différencie ?

 

-Quels messages ?

 

Les œuvres d’art, et c’est particulièrement vrai dans la rue, peuvent être en prise avec l’actualité, soit observatrices, soit parfois militantes. La pandémie, L’environnement, les violences faites aux femmes, la guerre et bien d’autres thèmes de société peuvent être abordés.

 

D’autres œuvres ont pour principale ambition de faire connaître au public l’univers esthétique personnel de l’artiste. Sont présents dans la rue des illustrateurs, des graphistes, des designers, dont la plupart travaillent sur tablette graphique ou ordinateurs avec des outils de DAO mais aussi des tagueurs, des graffeurs, des muralistes et des artistes d’atelier.

 

Pour certains l’œuvre de la rue renvoie souvent à des boutiques en ligne ou des sites internet.

 

Les artistes urbains sont des utilisateurs d’Instagram, le @ qui précède souvent leur signature renvoie à leur compte Instagram. L’œuvre posée dans la rue est une sorte d’hameçonnage pour attirer le chaland vers le réseau social qui porte et diffuse leur activité artistique. Les réseaux sociaux sont indissociables du street art. Ils pallient à son caractère éphémère en lui donnant une vie virtuelle longue et permettent des transactions marchandes qui donnent de la valeur, non pas à ce qui est posé sur le mur, mais ce qui est dans l’atelier ou l’ordinateur de l’artiste.

 

La démarche street art est rarement purement gratuite soit elle est militante et défend une cause, soit elle est support de notoriété dans une démarche marchande. Parfois il est difficile de démêler ces deux aspects.

 

Il ne faut pas négliger cependant que, aller dans la rue, pour un artiste est aussi un plaisir addictif qu’il pratique souvent en bande.

 

Pour porter leurs messages les artistes utilisent toutes sortes de techniques ou de supports et recourent souvent à des références puisées dans l’histoire de l’art ou d’autres formes d’expression plus contemporaines.

 

L’observation mettra en évidence les notions d’influence, d’hommage de transgression.

 

Comme les peintres qui les ont précédés beaucoup d’artistes qui exposent dans la rue font partie de collectifs ou de crew pour les graffeurs.

 

-Influence : Dans son parcours, y compris pour les artistes issus du graffiti vandale, on peut déceler des influences, résultant d’une connaissance de l’histoire de l’art et d’affinités pour tel mouvement ou tel ou tel artiste.

 

Adec

Adec
        


                                                         

Voglio Bénédicte
                

Liz et Mallow


 

De manière plus contemporaine certains artistes sont influencés par la BD, le manga ou le dessin animé.

 

       

Pro 176

Cléo Germain


-Hommage : L’hommage se distingue de l’influence. L’artiste ne s’approprie pas une manière de peindre, il fait un clin d’œil à un autre artiste ou à une œuvre.qui n’est pas forcement picturale, cinéma, chanson. (voir les paroles de chansons de Françoise Hardy et de Dionysos sur les affiches de Bénédicte Voglio

 

   

Nado Orbis

Voglio Bénédicte

Moke

Sunra


    

L’influence et l’hommage se confondent parfois.

 

Transgression/Subversion : L’histoire de l’art est une suite de transgressions. Les artistes qui ont marqué l’histoire de l’art sont ceux qui étaient en rupture avec leurs prédécesseurs. Le graffiti qui s’est nourri des tags, des flops et des lettrages vandales sur les toits et les murs (mais aussi les trains) est bien un mouvement transgressif qui au départ n’était nourri d’aucune influence et refusait même l’esthétisme..

 

Les parcours hors normes de Basquiat et Keith Harring sont des exemples d’artistes en rupture avec les modes d’expression qui les ont précédés..

 

L’utilisation récurrente du flop dans leurs œuvres sur toile par Jonone, Sunset, Tanc, Nasty et bien d’autres artistes constitue l’expression ultime du graffiti qui n’a pour référence que lui même.

 

Collectifs et Crew.

 

Les ateliers de la renaissance regroupaient autour d’un maître de nombreux disciples. Les collectifs et ateliers rassemblaient les peintres d’un même mouvement (impressionnistes, surréalistes) de même les artistes qui investissent l’espace public s’organisent  souvent en collectifs (A Montpellier, Vingt zéro deux, cercle rouge, artstation ..ect ).

 

                

Tussok Studio-Crying Sailor

Crying Sailor

 

Les graffeurs sont organisés en crew. La notion de crew ajoute à la solidarité et aux actions communes une prérogative territoriale. Les mouvements graffitis ne se construisent pas au départ sur une ambition artistique mais sur un rapport violent d’occupation d’un territoire par des tags et des graffitis. Les rapports entre crew s’organisent autour de codes qui régissent le respect ou le vandalisme des graffitis des crew rivaux,

 

Les collectifs ont une vocation artistique alors que les crew de tagueurs graffeurs sont construits initialement sur une logique de marquage territorial. Ils évoluent vers des formes moins agressives lorsque leurs membres s’assagissent en développant une démarche artistique assumée. C’est du substrat de tagueurs que se dégagent quelques individualités qui s’engagent dans une recherche esthétique. Le mouvement graffiti est le fruit de l’évolution de quelques tagueurs vers des formes artistiques, souvent d’abord une pratique très sophistiquée de la lettre autour de leur blaze (nom ou alias d’artiste),

 

Basquiat et Keith Harring qui sont aujourd’hui muséographiés et dont les toiles se vendent plusieurs millions de Dollars sur le marché de l’art ont commencé à taguer dans les rues et le métro de New York. Les exemples de graffeurs ayant accédé à la notoriété et trouvé une place sur le marché de l’art sont nombreux. Le nombre de Galeries d’art exposant des artistes du mouvement graffiti en témoigne. Il y en a au moins trois à Montpellier.

 

 Le graffiti est le fait d’artistes issus du tag vandales qui ont évolué vers des représentations ayant une ambition esthétique et artistique. Ils ont souvent, au long de ce parcours intégré des influences diverses reflétant leur culture artistique et leur connaissance de l’histoire de l’art.

 

Le street art recouvre toutes les formes graphiques, tous les supports, tous les messages, toutes les  techniques qui ont choisi de s’exposer dans l’espace public. Les artistes issus du graffiti refusent d’être assimilés à ce mouvement multiforme qu’est le street art.

 

2-Les supports

 

Ce qui différencie l’art dans les Musées de l’art dans l’espace public c’est que le musée conserve alors que l’art dans la rue est par nature éphémère. Le caractère éphémère du street art le fait entrer de plein pied dans l’art contemporain. Mais un art accessible et dégagé de la conceptualisation.

 

Le musées exposent principalement des originaux, c’est à dire des œuvres réalisées sans contestation possible de la main d’un artiste qui les a signées. La polémique autour de la paternité de Léonard de Vinci sur le Salvator Mundi  en témoigne.

 

Le street art est loin de ces préoccupations, il. donne à voir des œuvres uniques originales mais aussi beaucoup de copies et de pochoirs qui peuvent être reproduits en exemplaires multiples.

 

Il faut s’entendre sur la notion d’œuvre. Si elle est incontestable dans un musée elle peut faire débat dans la rue.

 

 

Le Rang d'Honneur

Ose

                

Lion Axwel


Une œuvre artistique se définit par l’intention de son auteur quel que soit le support. Si l’intention n’est pas esthétique mais sociale ou politique (marquage de territoire, pouvoir, revendication) tels la plupart des tags vandales nous n’avons pas affaire à de l’art.

 

L’évolution du tag vers le graffiti marque un changement d’intention. De simple marquage d’un territoire le trait devient esthétique. A partir du moment ou le tagueur travaille graphiquement son blaze pour en faire un flop, puis des lettrages complexes, codifiés ou libres, il entre dans le domaine de l’art.

 

Le mouvement graffiti, qui aujourd’hui est une branche importante de l’art contemporain, trouve ses origines dans le flop. Le flop est une calligraphie comparable aux calligraphies zen de Chine ou du Japon. Tous les peintres issus du graffiti, y compris ceux qui ont atteint une notoriété internationale et dont les œuvres se vendent à des prix astronomiques sur le marché de l’art défendent la beauté du flop et considèrent que du flop qu’émane l’énergie de leur art.

 

Vous seriez surpris de savoir que Jonone, Nasty, Crash, et la plupart des artistes issus du graffiti continuent à taguer en ville dès qu’ils en ont l’occasion. Toujours un Molotov en poche ou un spray à porté de main. Tagueur un jour tagueur toujours dit Nasty.

 

L’adrénaline du tag ou de toute action artistique, plus ou moins légale dans la rue est un des aspects commun au street art et au graffiti. Dans la rue la transgression n’est pas qu’artistique elle l’est aussi par rapport à l’ordre établi et à la légalité.  

 

              





                                                Flop,Tag Lettrages sur les toits

 

Inconsciemment, notre habitude de côtoyer l’art dans les musée rend presque insupportable l’idée d’un art éphémère. L’éphémère est l’essence même du contemporain. Il n’y a pas plus contemporaine qu’une œuvre qui vient d’être posée qui passe son message et disparaît. Le mot contemporain est pris ici au pied de la lettre.

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Que trouve t-on dans la rue ? Des œuvres originales soit réalisées directement sur le mur soit collées par leur auteur mais aussi et surtout des exemplaires, copies d’ œuvres qui peuvent faire l’objet de reproductions en nombre .

 

- Les copies  

 

Soyons d’accord sur le fait que à partir du moment ou la copie; la photo ou le pochoir à été créé par un artiste, que celui ci a recherché l’emplacement le plus propice à sa mise en valeur, que beaucoup de collages sont composées de pièces multiples qui font l’objet d’une composition unique nous avons sans contexte affaire à des œuvres d’art. Une matrice unique selon sont emplacement, sa mise en couleur, sa composition peut donner lieu à de nombreuses réalisations, toutes différentes.

 

Les Techniques de reproduction sont multiples : photocopies, pochoirs direct ou sur feuille collée, impressions sur papier de fichiers numériques... ect

 

Jean-Charles Romero

Cake

 

L’original reste dans le carton à dessin, ou dans le disque dur de l’ordinateur de l’artiste. Le pochoirs, au sens du bristol découpé est conservé aussi longtemps que possible par celui qui l’a découpé. Le pochoir matrice est parfois exposé ou l’encadré devenant ainsi une œuvre à part entière.

 

De plus en plus d’artistes travaillent sur tablette graphique avec des logiciels de dessin.. Beaucoup l’utilisent pour préparer le dessin qu’ils exécuteront à la bombe ou/et au pinceau sur un mur ou autre support de la rue. D’autres font imprimer leurs fichiers, soit pour les vendre sous formes de «prints» signés en série limitée, soit pour les coller dans la rue.

 

Le développement de la numérisation a donné naissance à un nouveau marché de l’art celui des NFT (Non fungible token) (jeton non fongible) qui est un certificat d’authenticité réputé inviolable permettant à l’acheteur d’avoir l’exclusivité d’une œuvre numérique. La vente de tels objets immatériels est interdite en France.

 

Le corollaire du caractère éphémère du street art est que les œuvres, à partir du moment ou elles sont offertes au public, dans la rue n’ont pas de valeur. Si le temps et les éléments les détruisent, si elle sont taguées ou arrachées ce n’est pas si grave. Ce qui est rageant c’est quand un collage ou un pochoir est détruit avant même d’avoir été vu, mais dans ce cas là, l’artiste souvent la remplace.

 

La valeur reste chez l’artiste qui peut vendre un original, des prints ou des affiches en nombre plus ou moins limité et toujours signés de la main de l’artiste. L’exposition dans l’espace public de leur travail, avec l’intervention des réseaux sociaux renvoie les visiteurs attentifs à des boutiques en ligne ou des expositions privées ou ils peuvent acheter des œuvres.

 

Le caractère éphémère du street art, loin d’être regrettable, s’inscrit dans un processus créatif ou une image disparaît, pour laisser la place à une autre faisant de la rue une galerie à ciel ouvert, gratuite, ou se succèdent les artistes pour présenter leur travail.

 

Nous sommes loin de la notion de conservation propre au musée. C’est pourquoi il est abusif de parler de musée à ciel ouvert, le terme galerie convient mieux.

 

- Les originaux

 

Dessins, peintures, céramiques, volumes ou collages peuvent être des originaux, uniques collés dans l’espace public. Les murales; les peintures sur les rideaux des boutiques sont réalisés directement sur leur support. Certaines sont réalisées gratuitement, d’autres, principalement les murales ont fait l’objet d’un contrat rémunéré par le propriétaire du mur ou du rideau.

 

Les galeries d’arts qui exposent des artistes issus du graffiti financent des murales pour donner une visibilité et mettre en valeur leurs artistes résidents.

  

    

Fanny Guillequin

Fikas

Mara

Coda

 

Le collage ou la réalisation d’une œuvre originale dans l’espace public est un acte généreux de la part d’un artiste qui sacrifie une œuvre unique dont il a payé la matière d’œuvre. Acte généreux, mais pas totalement désintéressé. La rue est, surtout pendant cette période de pandémie, le seul moyen pour de jeunes artistes de faire voir leur art. En effet beaucoup de ceux qui exposaient habituellement dans des bars, des boutiques ou de petites galeries, ont vu ces lieux fermés pour des raisons sanitaires.

 

   

Arkane-Swed Oner

Nubian


Les originaux sont également soumis aux contraintes destructives propres à leur exposition aux éléments et au vandalisme. Les artistes connaissent la règle et l’acceptent. Bien que sacrifiée à terme, l’œuvre a pour vocation première d’être vue, d’où l’importance prise par les réseaux sociaux. L’œuvre, à peine achevée est photographiée et publiée sur les réseaux sociaux, plus particulièrement sur Instagram.

 

L’œuvre commence alors une carrière virtuelle, répercutée de compte en compte par des amateurs qui en font la chasse. C’est à travers les réseaux sociaux que circule le street art et le graffiti. Cette diffusion est mondiale pour les muralistes et les street artistes les plus réputés.

 

L’œuvre originale, au destin éphémère, trouve donc une éternité virtuelle. Rappelons que Martha Cooper et Henry Chalfant ont donné, en le photographiant, une éternité au mouvement graffiti des années 1980 dans le métro Newyorkais.(Subway art)

 

Les œuvres réalisées en extérieur sont par nature éphémères. Bien qu’acceptée par ceux qui les réalisent, la disparition définitive d’œuvres reconnues comme importantes par le public et le milieu de l’art est mal acceptée, c’est pourquoi les galeries d’art se sont rapidement intéressées aux meilleurs des graffeurs, les ont incités à produire des toiles et à les exposer. La durabilité était ainsi acquise, jusqu’à ce que les musées s’y intéressent. La boucle est bouclée pour une infime minorité de graffeurs qui ont trouvé une place dans les musées et l’éternité qu’ils leur confère.

 

Montpellier le 04 juin 2021


 

 

jeudi 14 mai 2020

Fucking méditation-Ma vie chez les virus

Fucking méditation-Ma vie chez les virus

Toile de JonOne au Carré Sainte Anne


A la menace du réchauffement climatique sur le fonctionnement confortable de la société humaine est venue s’ajouter la menace sanitaire de la propagation à l’échelle mondiale d’un Coronavirus qui tue suffisamment pour avoir justifié, dans la quasi totalité des pays, un confinement aux effets dramatique sur l’économie. Si ces deux menaces sont de nature différente leur origine et leur mécanisme de progression se trouve dans le fonctionnent de notre société.

L’origine se trouve dans la pression sur les écosystèmes trop sollicités pour satisfaire l’avidité des humains

Jane Goodal la célèbre primatologue s’est exprimée dans «le monde» et France Info «A mesure que nous détruisons la nature, par exemple la forêt, les différentes espèces d’animaux qui l’habitent sont poussées en proximité forcée et des maladies passent d’un animal à l’autre et un de ces animaux rapproché par force des humains va probablement les infecter.
Ce sont aussi les animaux sauvages chassés, vendus sur des marchés en Afrique ou en Asie, notamment en Chine et nos élevages intensifs ou nous parquons cruellement des milliards d’animaux, ce sont ces conditions qui donnent l’occasion aux virus de faire le saut entre les espèces vers les humains.»

La pression sur les écosystèmes est bien la résultante de besoins économiques démesurés. La pression économique a bien été un facteur qui a favorisé le passage du virus de l’animal à l’homme.

Quelle erreur ! En ne respectant pas la nature on a favorisé l’émergence du virus. Nos échanges effrénés l’ont dispersé sur la terre entière en quelques semaines. Notre incapacité à produire nous même, masques et médicaments nous a empêché de lutter efficacement contre la propagation du virus. Nous avons tout faux.

Si le Covid19, comme la plupart des derniers derniers virus, est apparu en chine c’est que ce pays est incapable de mettre fin à des habitudes alimentaires primitives

Bien que propulsée dans la modernité, dans une mégalopole moderne de plusieurs millions d’habitants il subsiste des marchés ou pour d’obscures raisons de traditions alimentaires ou médicinales, des personnes achètent et consomment des animaux sauvages tels des pangolins, des chauve souris et des serpents.

Ne les montrons pas du doigt, nous avons aussi nos chasseurs et nous raffolons d’escargots et de cuisses de grenouille. Nous savons bien aussi que nos élevages de volailles monstrueux ou des millions de volatiles sont confinées sont des bombes à retardement pour maladies virales qui peuvent être transmissibles à l’homme. Le SRAS est suffisamment récent pour être présent à notre mémoire.

La Chine moderne, qui se veut exemplaire, n’est pas très fière de voir le marché aux animaux sauvages de Wuhan mis sur le devant de la scène mondiale. Il n’en reste pas moins qu’elle ne parvient pas à éradiquer ces habitudes de consommation d’un autre temps.

Si la chine s’est avérée incapable de circonscrire la propagation du virus c’est parce qu’elle a préféré nier son apparition

Pour des raisons d’organisation politique, d’image et de propagande, pour ne pas déplaire au pouvoir central, sous la pression des multiples commissaires du parti communiste, les autorité locales, pourtant informées, ont préféré pousser l’information sous le tapis. Ils ont été jusqu’à intimider et emprisonner les médecins qui avaient donné l’alerte pour diffusions d’informations susceptibles d’atteindre le moral de la population. Ils pensaient sans doute que l’épidémie allait s’éteindre. Et bien non ils lui ont laissé le temps de se propager et de se diffuser partout en Chine. On peut penser que prise à temps cette épidémie aurait pu être circonscrite.

Le virus a bien échappé aux chinois pour des raisons politiques. Un régime démocratique aurait-il fait mieux ? En tout cas le blocage de l’information par les autorités n’aurait pas été possible.

La propagation mondiale a utilisé les déplacements des humains par tous les moyens de transport qui permettent les échanges économiques et le tourisme de masse

Le virus se colle sur un humain qui prend l’avion, il le conduit à l’autre bout du monde, va contaminer quelques personnes qui vont lui faire prendre, le car, le train, le bateau, la voiture et le vélo, vont batifoler en boîte de nuit, s’agglutiner par millier autour de deux équipes de foot ou d’une rockstar et le tour est joué, le virus est partout.

Pourquoi autant d’avions, de bateaux, de touristes ? pour le commerce, pour le business et tout simplement pour nous permettre d’outrageusement consommer.

La mondialisation est un avatar du consumérisme effréné. 

Nous considérons en effet, individuellement et collectivement que la terre est à notre service, mais pas en tant que fabriquant, en tant que consommateurs. Nous exigeons de disposer de tout, du nécessaire comme du superflu, d’être servi, que tout fonctionne. Une panne d’ordinateur, d’internet, de facebook est insupportable. On ne fait plus, on ne répare plus, on achète, on consomme. On n’intervient plus sur le monde on lui demande, on exige.

Cette propension à déléguer le faire aux autres pour ne garder que l’acheter concerne les individus, mais en se globalisant cette propension est devenue mondialisation.

Les pays les plus riches ne fabriquent plus, ils se procurent à moindre coût dans des usines du bout du monde. Un grain de sable dans la machine du commerce, tel un virus, et les pays les plus riches se trouvent démunis de matériel aussi simple que des masques de protection.

le confinement de la population est la méthode de lutte la moins technologique possible

Faute de médicament et de vaccin, c’est en dire en fait de technologie, le confinement de la population est apparu comme la seule mesure permettant d’endiguer la propagation du virus. Curieusement à l’ère du tout technologique, un virus nous laisse dépourvus. La science a été incapable d’apprécier la dangerosité du virus et sa propagation. Elle s’est laissée surprendre et nous avons du recourir à la solution catastrophique du confinement, redécouverte dans de vieux grimoires datant du moyen age.

L’épidémie a amené sur le devant de la scène médiatique une foule d’experts qui n’étaient avares, ni de prédictions (si j’étais méchant j’aurais écrit prophéties) ni de conseils. Quelle cacophonie ! Que de querelles, que d’égos démesurés, que de contradictions, que de jugements péremptoires.

Les Médias avides de personnalités, clivantes, celles qui font de l’audience, ont contribué à la confusion. Dans cette cacophonie le pauvre citoyen a bien du mal a se faire une idée juste. Mais le pauvre citoyen avait déjà ses grilles de lectures, un épidémiologiste est devenu l’idole des gilets jaunes. Ceux qui s’estiment victimes d’un système machiavélique se sont régalés des théories complotistes les plus farfelues. Les anti-vaccin pensent toujours qu’on en veut à leur vie. Les climato-septiques sont devenus de parfaits confino-septiques.

Cacophonie des experts, arrangement des politiques avec la vérité pour dissimuler leurs lacunes, prescriptions contradictoires et évolutives concernant les mesures à prendre. La nécessité du port du masque est un exemple quasi caricatural. Les citoyens ne croient que ce en quoi ils croyaient déjà et détestent ceux qu’ils détestaient déjà.

Les médias se réfugient derrière la liberté d’informer pour jeter de la confusion parce que l’audience ne se fait pas sur du sérieux, mais sur des scoops, des querelles et du larmoyant.

Je ne nie pas qu’il n’y pas de scientifiques et de médias sérieux mais il faut être sacrément aguerris pour les trouver.

Le confinement a certes sauvé des vies, (des vies âgées majoritairement) et l’hôpital de la déroute mais il a été une catastrophe pour l’économie et pour le débat d’idées. Nous ne mesurons pas encore ses conséquences en terme d’accroissement des inégalités et de la pauvreté. Ne rêvons pas, cette période a été plus favorable au renforcement des idées populistes et isolationistes qu’aux idées progressistes et écologistes.

La pandémie a été une pédagogie en temps réel qui a mis en lumière la grande vulnérabilité de notre société.

Les faiblesses que je viens d’identifier ouvrent les pistes pour les grands axes de changement.

-Diminuer la pression sur les écosystèmes et supprimer les élevages confinés pour réduire la transmission de virus des animaux aux hommes.

-En cas d’apparition d’un virus que les autorités politiques locales et nationales réagissent vite et en toute transparence pour éviter sa propagation. Améliorer les mesures sociales d’hygiène en périodes épidémiques, même pour les banales épidémies de gastro ou de grippe. Le port du masque pourrait devenir non pas une habitude mais plus courant.

-Réduire la délocalisation d’activités de production vers des pays à faible coût de main d’oeuvre. Ce qui diminuera les transports et déplacements inutiles.

-Revoir nos manières de consommer, plus de sobriété, recours aux circuits courts, moins de stupide tourisme de masse. Ceci réduira le recours aux énergies fossiles, principale cause du réchauffement climatique.

-Disposer d’un système de santé non soumis à la rentabilité et aux lois du marché, toujours en alerte et disposant de ressources suffisantes pour faire face aux catastrophes et pas seulement aux épidémies.

Ce constat ouvre la porte à toutes les spéculations sur le monde d’après. On voit bien que changement climatique et pandémies ont partie liée. S’attaquer à l’un c’est s’attaquer à l’autre.

N’attendons pas de consensus, sur la reconstruction du monde, attendons nous plutôt à des luttes. Comme avant quoi. Les tenants du capitalisme et du libre échange croiseront le fer contre les socialo-écolo qui veulent réduire les inégalités.

Privés de contacts sociaux nous n’avons d’autres choix que de nous tourner vers nous même

Si on nous a obligé à rester chez nous, c’est exclusivement pour empêcher les contacts physiques ou le rapprochement entre les corps des humains qui favorise la propagation du virus, donc le nombre de malades, donc le nombre de personnes hospitalisées.

Pour certains, dont je fais partie, le confinement s’est fait dans la solitude, pour d’autres, la majorité, il s’est passé dans la promiscuité familiale, doublée d’exiguïté pour les moins favorisés. Les contacts avec l’extérieur étaient limités aux taches vitales. Les contacts sociaux qui caractérisent notre vie normales étaient prohibés.

Reclus chez nous la tentation du laisser aller était un risque. Pas ou presque d’image de soit à défendre en société. Libre à nous de négliger l’hygiène, le vêtement, l’activité sportive, la tempérance alimentaire. Libre à nous de boire, de fumer de se gaver de séries télé et de jeux vidéo.

La crainte du laisser aller, surtout chez les personnes seules s’est traduite par un excès de discipline. Le défis était de gérer au mieux notre entretien physique et mental, avec pour objectif de ne pas sortir en miette ou ratatiné de cette période, d’où l’attrait inédit pour la pratique sportive, le développement personnel, la méditation, l’alimentation saine et la valorisation de l’instant présent.

Cette introspection un peu schizophrénique nous a conduit à réfléchir à notre rapport au temps, notre rapport aux autres, au travail, à la planète. Période propice aux fucking méditations. Mais une fucking méditation ne change rien ni à soit même, encore moins au monde. Réfléchir, essayer de comprendre n’a aucune valeur de changement. Le seul défis est personnel et égoïste il s’agit pour les mois et sans doute les années qui viennent de savoir comment vivre heureux en compagnie du virus.

Un contact devient un risque à ne pas courir pour ne pas être malade et ne pas venir engorger le système de soin.

Concrètement vivre chez le virus signifie des tas de limitations et de contraintes. Nous découvrons que notre quotidien nécessite la proximité physique, pas simplement sur le plan affectif entre personnes qui s’aiment ou simplement se connaissent, mais aussi avec la foule d’inconnus qui partagent l’espace avec nous, dans la rue, les lieux d’enseignement, les magasins, les cinémas, les stades, les salles de spectacles, les restaurants. Il y a même des normes, trois personnes au mètre carré pour un concert debout. Quand la norme devient quatre mètres carré pour une personne, ça change la donne affectivement, socialement et financièrement.

A-t-on bien pris conscience que la distanciation est impossible, particulièrement dans les villes. On s’interroge d’abord sur les personnes avec lesquelles on ne veut, ni ne peut distancer et cette liste s’allonge tous les jours. La distanciation est une mesure inapplicable parce qu’elle est inhumaine. Nous pouvons essayer pendant une durée limitée, mais même si le virus ne renonce pas les hommes se rapprocheront malgré la peur. Simplement il est impossible de garder à distance l’humanité entière.

Il existe autour de chaque personne une distance de protection contre les intrusions trop intimes, il s’agit d’une aura d’énergie émise et ressentie par chacun et que personne d’instinct ne franchit, sauf les pervers et les violeurs. L’attirance physique entre deux individus désactive cette barrière invisible. Au delà de cet espace intime rien, même pas un virus ne peut justifier de mesures durables de distanciation.

Ma conclusion tient en deux lignes.

Nous savons ce qui ne va pas dans le fonctionnement de notre société. Comme il faudrait, pour résoudre les problèmes, changer radicalement de manière de vivre ce n’est pas gagné.

Vivre heureux avec le virus nécessitera plus de bon sens que d'obéissance. Nous continuerons à embrasser qui on a envie d’embrasser.

Montpellier le 14 mai 2020



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dimanche 26 avril 2020

Fucking méditation-Le monde d'après le Covid 19

Œuvre de Zest réalisé en live au Musée Fabre de Montpellier


Fucking méditation-Le monde d’après

L’homme est une invention dont l’archéologie
de notre pensée montre aisément la date récente
et peut-être la fin prochaine.
Michel Foucault

Mise en confinement de plusieurs milliards de personnes, arrêt brutal au niveau mondial d’une grande partie de l’activité économique, gestion sanitaire et politique chaotique ; les conséquences de la pandémie due au Coronavirus sont d’une telle ampleur, tant sur nos vies personnelles que sur l’organisation, sociale, économique et politique des nations et du monde qu’il est difficile de penser qu’on a seulement appuyé sur le bouton pose. Les grandes crises, et celle-ci particulièrement, puisqu’elle a mis une grande partie de la population à l’arrêt, confinée chez elle, sont propices à l’introspection, aux remises en question et aux résolutions.

Certains s’en prennent à penser qu’ils(elles) seront meilleurs dans un monde meilleurs, d’autres que l’humain étant ce qu’il est, il va consacrer toute son énergie à remettre en place les choses et que le monde repartira aussi frénétique et insouciant qu’avant, enfin il y a ceux qui sont convaincus que cette crise a été sciemment provoquée par des esprits maléfiques pour mieux soumettre et asservir la population. Chacun applique à l’époque le filtre de ses convictions, de ses préjugés, de sa confiance ou de sa défiance, de son optimisme ou de son pessimisme. J’ai noté hier en regardant la télé, cette phrase un peu cynique de Gérald Bronner, sociologue «Les gens projettent sur le monde d’après ce dont ils avaient envie avant».

Une fucking méditation est un exercice, sans règles, de subjectivité assumée. Il s’agit simplement de tourner autour du sujet et de l’examiner sous toutes ses facettes, ni analyse documentée, ni philosophie, juste une errance de la pensée nourrie par ce qui se dit et s’écrit. Notre esprit est mitraillé par une foule, d’informations, de points de vue, de controverses, de débats. Plus que jamais, il est important pour se faire une idée, la plus juste possible, de faire le tri entre des expressions mues, pour certaines par la peur, des intérêts partisans, des querelles d’égo, des points de vue divergents, y compris chez les scientifiques, des expressions farfelues ou malveillantes mais aussi des ignorances qui ne veulent s’assumer.

Pour ce qui concerne l’Etat, ses explications et les justifications de sa politique, j’ai toujours en tête, depuis mes lectures de jeune enseignant, l’analyse de Louis Althusser dans «idéologie et appareils idéologiques d’Etat»  qui pose que toute expression de l’Etat est idéologique dans la mesure ou sa finalité est sa protection et la reproduction de l’ordre politique. Par nature l’expression de l’Etat, a pour finalité de préserver l’ordre public. Les déclarations sur les masques, mais aussi les tests, qui ont été déclarés dans un premier temps inutiles, pour dissimuler une pénurie, donc le manque d’anticipation, en le meilleur exemple, mais pas le seul. Ce qui est vrai pour l’Etat l’est aussi pour les institutions dont l’expression met en jeu leur crédibilité donc leur pérennité.

Vers la civilisation des masques

Une pensée également pour Michel Foucault, philosophe important de ma jeunesse étudiante et enseignante, il y a presque cinquante an, (Mes étudiants en Sociologie des Organisations à l’Université d’Oran m’avaient surnommé Althusser, Balibar, Foucault, ABF). Foucault considérait déjà que le pouvoir ne contrôle plus le comportement des individus mais que c’est la vie des individus qui est devenu le but et l’objet du pouvoir. Les concepts de bio pouvoir et de bio politique expriment le remplacement du pouvoir pénal par le pouvoir médical. L’espèce humaine est un «corps» collectif dont le pouvoir prend soin : naissance, santé, accidents, vieillesse, mort. Il y a cinquante ans Foucault avait déjà perçu que le pouvoir médical se substituait progressivement au pouvoir pénal. Le fait que l’Etat ait créé à ses côtés un comité d’experts scientifiques pour l’accompagner dans ses choix politiques et les justifier est particulièrement significatif.

C’est contre ce pouvoir, qui a pris en main de manière autoritaire notre santé, pour faire face au coronavirus, que le philosophe André Conte Sponville fait entendre une voix dissonante. Dans un entretien à la Publication «le télégramme» du 23 avril (je ne connais pas cette publication, je suis tombé dessus en recherchant les propos du philosophe que j’avais entendus à la radio sans les noter) « ce n’est pas le principe de précaution qui me gène,....c’est plutôt ce que j’appelle le Pan-médicalisme, faire de la santé la valeur suprême, ce qu’elle n’est pas. Je mets plus haut la justice, l’amour et la liberté. Cela conduit à laisser à la médecine la gestion de nos maladies, ce qui est normal, mais aussi de nos vies et de nos sociétés, ce qui est beaucoup plus inquiétant.»

Vous avez bien sûr remarqué que toutes les annonces politiques au plus haut niveau de l’Etat sont systématiquement assorties de la caution du comité scientifique ou d’experts en épidémiologie.

Ces prémisses philosophiques étant posés, je vous laisse les méditer. Qu’est ce qui nous attend ?

«Le retour à la normale n’aura pas lieu avant longtemps, car il n’y a pour l’instant ni médicament ni vaccin.» Edouard Philippe le 19 avril

Nous avons connu l’avant SIDA, sexuellement insouciant et l’après avec préservatif obligatoire. Nous avons connu l’avant attentats terroristes et la liberté d’aller et venir et l’après avec multiplication des contrôles, fouilles des sacs et autres mesures de sécurité. L’après Covid sera bien pire, pendant longtemps, très longtemps... toujours peut-être, port du masque, mesures de distanciation, réduction des contacts physiques qui ne seront réservés qu’aux plus proches, méfiance réciproque, pas touche. Et puis hygiène, hygiène, hygiène. Mains lavées, relavées désinfectées. Qu’est-ce qu’on intériorise vite.

Je n’ose même plus imaginer, un concert, un match, une manifestation, une fête. Déjà notre regard est choqué par des images de foule et de gens qui s’embrassent. De nombreux projets sont d’ores et déjà en pause : mariages, achats importants, immobiliers en particulier, déménagements, voyages...Pour tous ces projets il ne suffira pas d’appuyer sur la touche reprise, ils devront être reconsidérés, reconfigurés pour tenir compte des mesures d’hygiène qui seront alors la norme.

L’après, pour toi, pour moi pour tout le monde, et dans tout le monde, ce sera d’abord un quotidien distancé, un quotidien ou l’autre est susceptible de transmettre la mort. C’est sûr je m’adapterai, nous nous adapterons tous. D’ailleurs on l’est déjà.

Je confie la conclusion de ce paragraphe à Michel Foucault «N’oubliez pas d’inventer votre vie» et à André Conte Sponville «Pour guider ma vie, je compte plus sur moi-même que sur mon médecin.»

Tirer les leçons

Le gentil chanteur Françis Cabrel déclare à France Bleu Périgord «J’espère qu’on retirera des leçons de tout ça» Derrière le «on» il y a les personnes qui réfléchissent et se projettent dans l’après. Il y a aussi, les institutions, les entreprises, les responsables politiques qui portent la responsabilité de préparer l’avenir et qui se posent la question de savoir ce qui a foiré pour qu’un virus parvienne en deux mois à mettre à genou tous les pays du monde, pas seulement leurs économies, mais aussi tous leurs fondamentaux de dirigeance.

Il y aura chez nos dirigeants, comme chez les individus, une part de bonnes intentions qui ne se réaliseront jamais, mais aussi de vrais changements. Je ne suis pas certain que ce qui se prépare conduise à un monde meilleurs. Les rapports de force n’auront guère été affectés par la pandémie, les mentalités non plus, alors ne rêvons pas trop à un monde meilleur.

Le point de vue de Edgar Maurin, le génial sociologue, presque centenaire, a été beaucoup sollicité durant ces dernières semaines. L’invasion mondiale du virus a, selon lui, provoqué une crise de civilisation qui de fait obligera à changer nos comportements tant au niveau individuel, que local et planétaire. Elle nous amène à nous interroger sur notre mode de vie, nos vrais besoins masqués par les aliénations du quotidien. Il pense que la course à la rentabilité et les carences dans notre mode de vie sont responsables d’innombrables dégâts humains causés la pandémie. Autrement formulé face à un virus notre civilisation s’est avérée fragile. La globalisation apparaît comme un processus qui peut provoquer autant de nuisances que de bienfaits.

Le confinement nous a contraint à modifier nos habitudes de vie. Le télétravail peut amener à changer le fonctionnement des entreprises, accélérer le retour aux productions et aux commerces locaux, pas seulement dans les domaines agricoles et alimentaires, mais dans bien d’autres indispensables au quotidien, je pense en particulier aux médicaments.

La solidarité, dont la période a donné d’innombrables exemples, pour faire face à des pénuries ou aux difficultés de certaines personnes ou de certaines profession pourrait s’ancrer durablement dans nos pratiques. Par son caractère mondial et universel le Coronavirus nous montre que, qu’on le veuille ou non, nous sommes liés par une communauté de destin.

Tirer les leçons de cette crise, ce n’est pas seulement une affaire de vœux pieux, à jamais sans suite. C’est une affaire de survie de l’humanité. Il faut réfléchir, et vite sur nos modes de consommation et d’alimentation, se désintoxiquer de la culture industrielle, autrement dit, revoir notre rapport à la nature, mais aussi prendre durablement conscience que l’amour l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui fait la qualité de la vie. C’est Edgar Maurin qui le dit.

Cependant quand je vois des files de voitures qui patientent jusqu’à trois heures pour accéder au drive d’un restaurant Mac Donald qui vient d’ouvrir après un mois de fermeture, quand je les entends dire «enfin un vrai repas !» j’ai quelques doutes sur notre capacité à tirer vraiment les leçons. Je suis conscient que je fais parti d’une minorité qui se dit bien pensante. Cependant si certains rêvent Mac Do, moi je rêve d’une pinte de bière, dégustée à petites lampées, confiné au fond d’un bar face à une personne dont je me remplirai les yeux et le cœur. Désir de Mac Do ou désir de bière au fond c’est pareil. Nous voulons que la vie d’avant revienne... un peu.

Le virus nous rappelle également que «l’incertitude est un élément inexpugnable de la condition humaine.», incertitude sur l’origine du virus et sur toutes ses conséquences dans les domaines socio-économiques.

Dans un monde incertain, le seul moyen de s’en sortir est de se raccrocher à des valeurs. C’est moi qui le dit. C’est mon seul principe d’éducation.

Inégalités

Ceux qui auront perdu leur emploi, voire leur entreprise, ceux qui partout dans le monde ne peuvent plus se nourrir, auront du mal à se projeter dans un monde différent, plus juste, plus solidaire. Les inégalités si fortes dans le monde d’avant vont s’accroître, jusqu’à devenir intolérables. La pauvreté et les besoins immédiats qu’elle suscite ne va t-elle pas anesthésier toute volonté de changement vers un monde plus respectueux et ramener les responsables aux vieilles recettes du capitalisme mondialisé, en pire puisqu’ils vont vouloir s’affranchir des quelques avancées sociales et environnementales gagnées de haute lutte pendant les dernières décennies.   

L’état d’esprit de chacun dépend de sa situation personnelle pendant la période de confinement. Les biens confinés, grand espace, frigo plein, profitent des réseaux sociaux pour suivre et pratiquer des activités ludiques culturelles, sportives ou de développement personnel. Ils savent également se connecter à des réseaux d’approvisionnement de proximité, de préférence bio. Ces privilégiés du confinement vont voir dans cette période une occasion d’adopter des habitudes de consommation plus responsables, de mieux respecter la nature et d’être plus bienveillants et solidaires. Les médias qui sont peuplés de ces gens là se font largement l’écho de belles histoires de solidarité et d’attention aux autres.

Cette vision d’un après qui saura tirer les leçons et sera meilleur, est elle illusoire, compte tenu de la nature humaine ? Changer en mieux est-il impératif compte tenu compte tenu de la fragilité de notre système face à un virus ?

Les mal confinés, dans des appartements trop petits, avec une famille trop nombreuse n’en peuvent plus, et n’ont qu’une hâte, que ça se termine. Pour eux pas vraiment de bonnes résolutions. Vite retourner au travail, pour ceux qui ne l’ont pas perdu, et les enfants à l’école. Il y a aussi les entrepreneurs, petits moyens et gros qui sont, malgré les aides entrain de tout perdre, leur affaire, leur salariés. Ils ne dorment plus. L’après sera au bas mot une épreuve, au pire une catastrophe. Ceux qui auront perdu leur emploi voire leur entreprise auront du mal à se projeter dans un monde différent, plus juste, plus solidaire.

Je lis également dans le journal «Le Monde» (22 avril) que partout dans la planète le confinement de plusieurs milliards de personnes est entrain de provoquer un gigantesque choc social. La première répercussion visible se trouve dans les soupes populaires et les banques alimentaires. Des milliers de personnes qui vivaient sans réserves financières ont basculé en même temps et se sont retrouvées soudain sans ressources.

Un reportage du journal Le Monde du 18 avril 2020, raconte le quotidien d’habitants de quartiers populaires, notamment Clichy sous bois en Seine Saint Denis, ou se multiplient les files d’attente devant les distributions alimentaires. En commentaire d’une photo Sylvie Kauffmann écrit «Les premiers sont arrivés à huit heures, soit trois heures avant l’ouverture des portes de la maison de la jeunesse de la ville. A onze heure, la file d’attente s’étirait sur plus de trois cent mètres.» on voit bien sur la photo que les gens sont les uns sur les autres, ce qui fait dire à certains «si on remplit le frigo, on chope le coronavirus.» Le président des restos du cœur Patrice Blanc explique que tous ses centres restés ouverts en France sont pris d’assaut.

Devant l’Université Paris 8 de Seine Saint Denis, le mercredi 22 avril des centaines de colis alimentaires fournis par le Secours Populaire ont été distribués à des étudiants dans la précarité, confinés dans leur chambre de cité universitaire. Les bénévoles ont constaté que certains, faute de pouvoir acheter de la nourriture, se sont mis en mode rationnement, un seul repas par jour, pas du tout équilibré. Le gouvernement recherche une solution, mais très clairement aujourd’hui, les étudiants qui ont perdu les petits boulots qui leurs permettaient de vivre sont tombés dans la précarité.

Je lis dans le Huffington Post (22 avril) que l’ONU tire la sonnette d’alarme. «D’ici à fin 2020 le nombre de personnes au bord de la famine pourrait passer de 135 à 265 millions à cause de l’impact économique du Coronavirus.»  Avant l’épidémie la situation s’aggravait, la fermeture des frontières va rendre impossible l’acheminement de l’aide alimentaire. Une «pandémie mondiale de famine» se profile en 2020.

Nous sommes à un peu plus de la moitié de la période de confinement et chacun sait que la date du 11 mai ne fera que marquer le début d’une reprise qui sera compliquée et très longue. L’économie sera alors jonchée de cadavres d’entreprises mortes et la plupart des autres ne seront pas très gaillardes.

En touchant durement les plus pauvres, précaires, fragiles, cette crise terrible va creuser encore les inégalités qui étaient déjà insupportables dans le monde d’avant. Il faut bien avoir à l’esprit que ce ne sont pas ces gens là, qui se disent que le confinement est le moment de penser à un monde meilleurs et plus solidaire. Ils sont noyés dans des problèmes de survie au quotidien dans des appartements exigus, sans ordinateurs pour permettre à leurs enfants de poursuivre leur scolarité à distance. Leur porte monnaie et le frigo sont vides. Ils veulent seulement que les choses reprennent et vite.

A l’heure ou le dé-confinement est à l’ordre du jour dans tous les pays, a l’heure ou les économistes font les comptes du coût de la crise et des montagnes de dettes accumulées par les États pour éviter, dans l’urgence que tout ne s’effondre, la petite musique que l’on entend du côté de l’OCDE (Mathieu Plane, économiste à France Info) est «pour relancer l’économie il faudra que les Français consomment ce qu’ils sont entrain d’épargner.»

Consommer quoi ? de tout ! Des voitures, des maisons, de l’électronique, des gadgets, des fleurs, des hamburger de chez Macdo et, le plus tôt possible, des croisières stupides, des voyages gadgets, organisés pour qu’on se sente comme à la maison. Les bonnes vieilles recettes en pire parce que affranchies de réglementations tatillonnes dont nos bons vieux capitalistes requinqués vont vouloir s’affranchir. Nos dirigeants auront bien du mal à faire respecter toutes les avancées acquises de haute lutte par l’ancien monde parce qu’elles seront considérées comme des freins à la relance. Quel sort va être réservé aux avancées sociales, en particulier le droit du travail, au respect du bien être animal , à l’utilisation à outrance des énergies fossiles, des pesticides et du plastique. Je ne donne pas cher du «tirer les leçons» face au réalisme intéressé des puissances d’argent.

Dans notre monde plein d’inégalité le paradoxe est que les plus puissants, par intérêt immédiat et les plus pauvres par urgence vont vouloir vite remettre sur pied un monde comme avant. La voix des classes moyennes éduquées et prête à expérimenter d’autres façons de vivre, plus sobres, plus solidaires, plus respectueuses risque de rester inaudible dans la puissante vague de la reprise.

Requiem pour le climat

L’après ne se prépare pas dans la tête des philosophes, ni dans les rêves des belles âmes qui y projettent leurs rêves bienveillants de respect de la terre, des animaux et des autres. L’avenir se prépare par de gigantesques plans de relance qui vont déverser des milliards de dollars, de yens ou d’euros d’argent public. Peu importe, le cour du change des grandes devises n’a que peu d’importance à ces niveaux astronomiques.

En France, après avoir voté en mars un plan d’urgence de 45 milliards d’euros, compte tenu de l’ampleur de la crise, c’est à présent 100 milliards qui sont annoncés intégrant les moyens pour le chômage partiel et les reports de charges (20 milliards), un fond de solidarité pour les très petites entreprises (6 milliards), dépenses exceptionnelles pour la santé (7 milliards)

Au niveau Européen, la banque centrale Européenne a dès le 19 mars annoncé un programme de rachat d’actifs 750 milliards d’euros qui s’ajoutent aux 250 milliards déjà mobilisés. Ces fonds vont permettre aux banques des États membre de continuer à prêter de l’argent aux entreprises et aux États. L’Union Européenne a eu du mal à passer outre ses dissensions pour s’accorder sur un plan de relance commun. Après la réunion du 26 mars au cours de laquelle s’étaient étalées les mésententes et règlements de compte entre les États, une nouvelle réunion le 24 avril a permis de parvenir à un accord sur un paquet de 540 milliards d’Euros de mesures immédiates qui mêleraient prêts et subventions.

Le plan de relance des États Unis, voté fin mars par le congrès et approuvé par le sénat (CARES Coronavirus aid, relief and économic security) s’élevait à 2200 milliards de dollars, (10% du PIB) auxquels viennent s’ajouter 483 Milliards supplémentaires votés le 23 avril.

Des dizaines de millions de familles vont recevoir un chèque de 1500 dollars plus 500 par enfant.  L’assistance chômage sera élargie. Les hôpitaux se partageront 100 milliards. Les entreprises, des grandes, comme les compagnies aériennes et la société Boeing bénéficieront de 500 milliards de dollars. 350 milliards de dollars iront sous forme de prêts aux entreprises et associations de moins de cinq cent salariés à condition qu’elles continuent à les payer.

La question est de savoir si la relance sera verte ou carbonée. L’expérience nous montre qu’il y a eu une forte hausse des émissions de CO2 après la crise de 2008. Cette relance s’était faite sur l’augmentation de consommation des énergies fossiles. Fera-t-on mieux en 2020 ?

Le contexte économique mondial n’y est pas favorable. Des chefs d’Etat climatosceptiques dirigent des pays puissant. L’innommable Trump à quitté l’accord sur le climat. Bolsonaro détruit la forêt amazonienne pour cultiver du soja transgénique. La chine qui, quoi qu’elle en dise, a laissé, par goût du secret, échapper ce virus sournois, va mettre massivement le charbon et le pétrole à contribution pour renouer avec une croissance à deux chiffres. Il semble que la crise sanitaire a d’ores et déjà pour effet de favoriser les replis nationalistes mais aussi de conforter voire d’accélérer les tendances géopolitiques déjà à l’oeuvre ; affirmation de la Chine, replis américain, chicayas en Europe. Partout ou presque la démocratie est en danger, le populisme gagne du terrain. La fragilisation des individus par la crise est un terrain favorable pour les populistes qui veillent et qui ont plus en tête l’autorité que l’écologie.

Le Haut Conseil pour le climat, en France, s’inquiète il craint que dans l’urgence l’économie, les entreprises et même les individus retournent à ce qu’ils savent faire. Pour les particuliers des questions se posent sur la durabilité des bonnes habitudes prises pendant le confinement de recours aux circuits courts, au télé travail et aux solidarités de proximité. Il en appelle donc aux pouvoirs publics pour assortir les conditions d’aides d’engagements pour atteindre la neutralité carbone y compris des secteurs comme l’aérien.

La Chine et le Canada ont déjà prévu, dans leurs dépenses structurelles des projets importants de d’infrastructures énergétiques à base d’énergies fossiles. Ne parlons pas des États Unis qui sont présidés par un climatoseptique notoire. En Europe la République Tchèque et la Pologne demandent à s’affranchir de la mesure européenne phare qu’est le Green New Deal.

La France vient d’accorder 7 milliards d’aides publiques à la compagnie aérienne Air France KLM. Nos responsables politiques se répandent dans les média pour garantir que cette aide sera assortie de conditions environnementales. Jouez violons, «on va faire de Air France la première compagnie aérienne zéro carbone»...7 milliards d’euro soit une dette d’environ 100 euros par Français, ce n’est certainement pour engager la compagnie à diminuer sa flotte et à faire voler les avions sans Kérosène. Il devrait y avoir aussi 300 milliards pour l’industrie automobile. On le jure ils seront contraints de passer à l’électrique. Plus écologique l’électrique ? Qui y croit ?

Des voix, nombreuses, s’élèvent pour profiter de la relance pour ne pas reprendre à l’identique ce que l’ont faisait avant. Mais les lobbies s’activent auprès des pouvoirs publics pour préserver leurs intérêts qui ne sont pas les mêmes que ceux de la nature. Notre très vieux MEDEF (Syndicat patronal) a osé un courrier à Elisabeth Borne Ministre de la Transition écologique et solidaire pour demander la suspension des réglementations environnementales en France. Inimaginable, ils ont osé ! Cette crise remet au goût du jour l’adage «chassez le naturel il revient au galop» , une honte en tout cas pour le patronat français.

 A l’heure ou les entreprises font le compte de ce qu’elles ont perdu et des surcoûts inévitables que vont générer les mesures d’hygiène et de distanciation qu’elles doivent mettre en œuvre pour reprendre leur activité, alors que le virus circule encore, nous pouvons légitiment penser que les préoccupations environnementales qui leur avaient souvent été arrachées passent sous le tapis.

Chacun reconnaît, à mille signes, que la Planète va mieux après deux mois de pause. Beaucoup ont pris conscience que notre agitation frénétique perpétuelle, souvent pour des motifs aussi futiles que le tourisme de masse ou la consommation destruction d’une pléiades d’objets aussi moches qu’ inutiles n’apporte pas le bonheur. Cette vaine agitation et notre boulimie d’objets et de services, fait tourner des usines en Chine, voler des avions, naviguer des paquebots grands comme des villes. L’économie mondiale est boursouflée simplement parce que nous sommes dans une société de consommation. C’est à dire une société d’insatisfaction, de gâchis et de pollution (pour faire et pour se débarrasser des déchets)

Seule la sobriété partagée pourrait sauver le climat, mais elle ruinerait l’économie boursouflée que l’on veut relancer. Alors ne rêvons pas. L’urgence est de faire revoler les avions, relancer les usines d’objets en matière plastique, l’urgence est de faire des cadeaux inutiles à la fête des mères et à noël, d’offrir du muguet le premier mai, et d’acheter des chrysanthèmes en novembre.

Les Milliards, n’en doutons pas sont pour une relance de ce qui s’est arrêté, au moment ou ça s’est arrêté, une relance qui sera facilitée par des entorses aux quelques engagements climatiques pris avant la crise. Nous aurons des années pour en rediscuter et faire quelques pas à nouveau. Le virus nous a fait gagner deux mois sur le réchauffement climatique. Nous allons pouvoir reprendre tranquillement notre chemin vers des catastrophes climatiques ou autres, y compris de nouveaux virus,vers un inconfort de plus en plus grand à vivre sur une planète violente et surchauffée.

Nous entrons dans l’ère des catastrophes. Piètre humanité tu ne l’auras pas volé.

En attendant j’espère pouvoir bientôt boire une pinte de bière rousse en terrasse sur l’esplanade ombragée de platanes de Montpellier.

Montpellier le 26 avril 2020