jeudi 14 mai 2020

Fucking méditation-Ma vie chez les virus

Fucking méditation-Ma vie chez les virus

Toile de JonOne au Carré Sainte Anne


A la menace du réchauffement climatique sur le fonctionnement confortable de la société humaine est venue s’ajouter la menace sanitaire de la propagation à l’échelle mondiale d’un Coronavirus qui tue suffisamment pour avoir justifié, dans la quasi totalité des pays, un confinement aux effets dramatique sur l’économie. Si ces deux menaces sont de nature différente leur origine et leur mécanisme de progression se trouve dans le fonctionnent de notre société.

L’origine se trouve dans la pression sur les écosystèmes trop sollicités pour satisfaire l’avidité des humains

Jane Goodal la célèbre primatologue s’est exprimée dans «le monde» et France Info «A mesure que nous détruisons la nature, par exemple la forêt, les différentes espèces d’animaux qui l’habitent sont poussées en proximité forcée et des maladies passent d’un animal à l’autre et un de ces animaux rapproché par force des humains va probablement les infecter.
Ce sont aussi les animaux sauvages chassés, vendus sur des marchés en Afrique ou en Asie, notamment en Chine et nos élevages intensifs ou nous parquons cruellement des milliards d’animaux, ce sont ces conditions qui donnent l’occasion aux virus de faire le saut entre les espèces vers les humains.»

La pression sur les écosystèmes est bien la résultante de besoins économiques démesurés. La pression économique a bien été un facteur qui a favorisé le passage du virus de l’animal à l’homme.

Quelle erreur ! En ne respectant pas la nature on a favorisé l’émergence du virus. Nos échanges effrénés l’ont dispersé sur la terre entière en quelques semaines. Notre incapacité à produire nous même, masques et médicaments nous a empêché de lutter efficacement contre la propagation du virus. Nous avons tout faux.

Si le Covid19, comme la plupart des derniers derniers virus, est apparu en chine c’est que ce pays est incapable de mettre fin à des habitudes alimentaires primitives

Bien que propulsée dans la modernité, dans une mégalopole moderne de plusieurs millions d’habitants il subsiste des marchés ou pour d’obscures raisons de traditions alimentaires ou médicinales, des personnes achètent et consomment des animaux sauvages tels des pangolins, des chauve souris et des serpents.

Ne les montrons pas du doigt, nous avons aussi nos chasseurs et nous raffolons d’escargots et de cuisses de grenouille. Nous savons bien aussi que nos élevages de volailles monstrueux ou des millions de volatiles sont confinées sont des bombes à retardement pour maladies virales qui peuvent être transmissibles à l’homme. Le SRAS est suffisamment récent pour être présent à notre mémoire.

La Chine moderne, qui se veut exemplaire, n’est pas très fière de voir le marché aux animaux sauvages de Wuhan mis sur le devant de la scène mondiale. Il n’en reste pas moins qu’elle ne parvient pas à éradiquer ces habitudes de consommation d’un autre temps.

Si la chine s’est avérée incapable de circonscrire la propagation du virus c’est parce qu’elle a préféré nier son apparition

Pour des raisons d’organisation politique, d’image et de propagande, pour ne pas déplaire au pouvoir central, sous la pression des multiples commissaires du parti communiste, les autorité locales, pourtant informées, ont préféré pousser l’information sous le tapis. Ils ont été jusqu’à intimider et emprisonner les médecins qui avaient donné l’alerte pour diffusions d’informations susceptibles d’atteindre le moral de la population. Ils pensaient sans doute que l’épidémie allait s’éteindre. Et bien non ils lui ont laissé le temps de se propager et de se diffuser partout en Chine. On peut penser que prise à temps cette épidémie aurait pu être circonscrite.

Le virus a bien échappé aux chinois pour des raisons politiques. Un régime démocratique aurait-il fait mieux ? En tout cas le blocage de l’information par les autorités n’aurait pas été possible.

La propagation mondiale a utilisé les déplacements des humains par tous les moyens de transport qui permettent les échanges économiques et le tourisme de masse

Le virus se colle sur un humain qui prend l’avion, il le conduit à l’autre bout du monde, va contaminer quelques personnes qui vont lui faire prendre, le car, le train, le bateau, la voiture et le vélo, vont batifoler en boîte de nuit, s’agglutiner par millier autour de deux équipes de foot ou d’une rockstar et le tour est joué, le virus est partout.

Pourquoi autant d’avions, de bateaux, de touristes ? pour le commerce, pour le business et tout simplement pour nous permettre d’outrageusement consommer.

La mondialisation est un avatar du consumérisme effréné. 

Nous considérons en effet, individuellement et collectivement que la terre est à notre service, mais pas en tant que fabriquant, en tant que consommateurs. Nous exigeons de disposer de tout, du nécessaire comme du superflu, d’être servi, que tout fonctionne. Une panne d’ordinateur, d’internet, de facebook est insupportable. On ne fait plus, on ne répare plus, on achète, on consomme. On n’intervient plus sur le monde on lui demande, on exige.

Cette propension à déléguer le faire aux autres pour ne garder que l’acheter concerne les individus, mais en se globalisant cette propension est devenue mondialisation.

Les pays les plus riches ne fabriquent plus, ils se procurent à moindre coût dans des usines du bout du monde. Un grain de sable dans la machine du commerce, tel un virus, et les pays les plus riches se trouvent démunis de matériel aussi simple que des masques de protection.

le confinement de la population est la méthode de lutte la moins technologique possible

Faute de médicament et de vaccin, c’est en dire en fait de technologie, le confinement de la population est apparu comme la seule mesure permettant d’endiguer la propagation du virus. Curieusement à l’ère du tout technologique, un virus nous laisse dépourvus. La science a été incapable d’apprécier la dangerosité du virus et sa propagation. Elle s’est laissée surprendre et nous avons du recourir à la solution catastrophique du confinement, redécouverte dans de vieux grimoires datant du moyen age.

L’épidémie a amené sur le devant de la scène médiatique une foule d’experts qui n’étaient avares, ni de prédictions (si j’étais méchant j’aurais écrit prophéties) ni de conseils. Quelle cacophonie ! Que de querelles, que d’égos démesurés, que de contradictions, que de jugements péremptoires.

Les Médias avides de personnalités, clivantes, celles qui font de l’audience, ont contribué à la confusion. Dans cette cacophonie le pauvre citoyen a bien du mal a se faire une idée juste. Mais le pauvre citoyen avait déjà ses grilles de lectures, un épidémiologiste est devenu l’idole des gilets jaunes. Ceux qui s’estiment victimes d’un système machiavélique se sont régalés des théories complotistes les plus farfelues. Les anti-vaccin pensent toujours qu’on en veut à leur vie. Les climato-septiques sont devenus de parfaits confino-septiques.

Cacophonie des experts, arrangement des politiques avec la vérité pour dissimuler leurs lacunes, prescriptions contradictoires et évolutives concernant les mesures à prendre. La nécessité du port du masque est un exemple quasi caricatural. Les citoyens ne croient que ce en quoi ils croyaient déjà et détestent ceux qu’ils détestaient déjà.

Les médias se réfugient derrière la liberté d’informer pour jeter de la confusion parce que l’audience ne se fait pas sur du sérieux, mais sur des scoops, des querelles et du larmoyant.

Je ne nie pas qu’il n’y pas de scientifiques et de médias sérieux mais il faut être sacrément aguerris pour les trouver.

Le confinement a certes sauvé des vies, (des vies âgées majoritairement) et l’hôpital de la déroute mais il a été une catastrophe pour l’économie et pour le débat d’idées. Nous ne mesurons pas encore ses conséquences en terme d’accroissement des inégalités et de la pauvreté. Ne rêvons pas, cette période a été plus favorable au renforcement des idées populistes et isolationistes qu’aux idées progressistes et écologistes.

La pandémie a été une pédagogie en temps réel qui a mis en lumière la grande vulnérabilité de notre société.

Les faiblesses que je viens d’identifier ouvrent les pistes pour les grands axes de changement.

-Diminuer la pression sur les écosystèmes et supprimer les élevages confinés pour réduire la transmission de virus des animaux aux hommes.

-En cas d’apparition d’un virus que les autorités politiques locales et nationales réagissent vite et en toute transparence pour éviter sa propagation. Améliorer les mesures sociales d’hygiène en périodes épidémiques, même pour les banales épidémies de gastro ou de grippe. Le port du masque pourrait devenir non pas une habitude mais plus courant.

-Réduire la délocalisation d’activités de production vers des pays à faible coût de main d’oeuvre. Ce qui diminuera les transports et déplacements inutiles.

-Revoir nos manières de consommer, plus de sobriété, recours aux circuits courts, moins de stupide tourisme de masse. Ceci réduira le recours aux énergies fossiles, principale cause du réchauffement climatique.

-Disposer d’un système de santé non soumis à la rentabilité et aux lois du marché, toujours en alerte et disposant de ressources suffisantes pour faire face aux catastrophes et pas seulement aux épidémies.

Ce constat ouvre la porte à toutes les spéculations sur le monde d’après. On voit bien que changement climatique et pandémies ont partie liée. S’attaquer à l’un c’est s’attaquer à l’autre.

N’attendons pas de consensus, sur la reconstruction du monde, attendons nous plutôt à des luttes. Comme avant quoi. Les tenants du capitalisme et du libre échange croiseront le fer contre les socialo-écolo qui veulent réduire les inégalités.

Privés de contacts sociaux nous n’avons d’autres choix que de nous tourner vers nous même

Si on nous a obligé à rester chez nous, c’est exclusivement pour empêcher les contacts physiques ou le rapprochement entre les corps des humains qui favorise la propagation du virus, donc le nombre de malades, donc le nombre de personnes hospitalisées.

Pour certains, dont je fais partie, le confinement s’est fait dans la solitude, pour d’autres, la majorité, il s’est passé dans la promiscuité familiale, doublée d’exiguïté pour les moins favorisés. Les contacts avec l’extérieur étaient limités aux taches vitales. Les contacts sociaux qui caractérisent notre vie normales étaient prohibés.

Reclus chez nous la tentation du laisser aller était un risque. Pas ou presque d’image de soit à défendre en société. Libre à nous de négliger l’hygiène, le vêtement, l’activité sportive, la tempérance alimentaire. Libre à nous de boire, de fumer de se gaver de séries télé et de jeux vidéo.

La crainte du laisser aller, surtout chez les personnes seules s’est traduite par un excès de discipline. Le défis était de gérer au mieux notre entretien physique et mental, avec pour objectif de ne pas sortir en miette ou ratatiné de cette période, d’où l’attrait inédit pour la pratique sportive, le développement personnel, la méditation, l’alimentation saine et la valorisation de l’instant présent.

Cette introspection un peu schizophrénique nous a conduit à réfléchir à notre rapport au temps, notre rapport aux autres, au travail, à la planète. Période propice aux fucking méditations. Mais une fucking méditation ne change rien ni à soit même, encore moins au monde. Réfléchir, essayer de comprendre n’a aucune valeur de changement. Le seul défis est personnel et égoïste il s’agit pour les mois et sans doute les années qui viennent de savoir comment vivre heureux en compagnie du virus.

Un contact devient un risque à ne pas courir pour ne pas être malade et ne pas venir engorger le système de soin.

Concrètement vivre chez le virus signifie des tas de limitations et de contraintes. Nous découvrons que notre quotidien nécessite la proximité physique, pas simplement sur le plan affectif entre personnes qui s’aiment ou simplement se connaissent, mais aussi avec la foule d’inconnus qui partagent l’espace avec nous, dans la rue, les lieux d’enseignement, les magasins, les cinémas, les stades, les salles de spectacles, les restaurants. Il y a même des normes, trois personnes au mètre carré pour un concert debout. Quand la norme devient quatre mètres carré pour une personne, ça change la donne affectivement, socialement et financièrement.

A-t-on bien pris conscience que la distanciation est impossible, particulièrement dans les villes. On s’interroge d’abord sur les personnes avec lesquelles on ne veut, ni ne peut distancer et cette liste s’allonge tous les jours. La distanciation est une mesure inapplicable parce qu’elle est inhumaine. Nous pouvons essayer pendant une durée limitée, mais même si le virus ne renonce pas les hommes se rapprocheront malgré la peur. Simplement il est impossible de garder à distance l’humanité entière.

Il existe autour de chaque personne une distance de protection contre les intrusions trop intimes, il s’agit d’une aura d’énergie émise et ressentie par chacun et que personne d’instinct ne franchit, sauf les pervers et les violeurs. L’attirance physique entre deux individus désactive cette barrière invisible. Au delà de cet espace intime rien, même pas un virus ne peut justifier de mesures durables de distanciation.

Ma conclusion tient en deux lignes.

Nous savons ce qui ne va pas dans le fonctionnement de notre société. Comme il faudrait, pour résoudre les problèmes, changer radicalement de manière de vivre ce n’est pas gagné.

Vivre heureux avec le virus nécessitera plus de bon sens que d'obéissance. Nous continuerons à embrasser qui on a envie d’embrasser.

Montpellier le 14 mai 2020



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