Conférence de Pierre Rabhi au parc Montplaisir de Castelnau le Lez |
"Contrairement à toutes les espèces, nous programmons nous-mêmes notre propre disparition par manque d'intelligence et de compréhension de la vie" Pierre Rabhi Manifeste pour la terre et l'humanisme.
Après le quinze août, sans même qu’on s’en soit rendu compte, l’infernal tintamarre des cigales cesse. Tout ce bruyant petit peuple des arbres et des pinèdes dont les stridulations, de jour comme de nuit, rendaient la canicule plus insupportable ont rendu les armes. Année après année, immuable, le cycle des générations se poursuivra.
Les cigales habitant les vénérables platanes du parc Montplaisir à Castelnau le Lez ont accompagné la conférence en plein air de Pierre Rabhi. Tout le monde connaît et aime Pierre Rabhi. Pour ma part je n’ai pas hésité à aller l’écouter pour la quatrième fois je crois. La première fois j'avais fait le déplacement aux Amanins dans la Drôme pour l’entendre débattre avec Edwy Plenel, que j’estimais encore à l’époque.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Pierre Rabhi a quatre vingts ans, il est né dans le sud algérien mais a grandi en France dans une famille française. Lassé de sa vie d’ouvrier il a acheté une ferme en Ardèche. Pour tirer des récoltes de cette terre pauvre il à développé des techniques agricoles autour de la production et de l’utilisation d’humus. Il a passé une grande partie de sa vie à diffuser en Afrique Sahélienne les principes de la permaculture.. Il est le père de l’agroécologie. Il a écrit de nombreux ouvrages et est considéré aujourd’hui comme philosophe. Devenu conférencier il ne cesse d’alerter un public toujours plus nombreux à venir l’écouter, sur les conséquences négatives de l’agriculture productiviste. Il s’alarme des conséquences du réchauffement climatique. Il voudrait que notre génération se préoccupe de l’avenir de l’humanité en réduisant notre consommation excessive et superflue des ressources de la terre sans renoncer au bonheur.
Pierre Rabhi est, je pense, l’homme qui par sa vision simple, concrète et bienveillante de l’humanité a le plus influencé ma vie. La sobriété heureuse me va comme un gant. J’allai dire que j’essayai de la mettre en application mais ce serait faux. Je ne m’efforce pas à la sobriété, elle me convient. Je la vis à ma manière sans ostentation et sans grand principe. Ce n’est pas une religion. Pas de dogme, pas d’interdits. Je déteste les principes.
Cette conférence était décevante, mais peu importe. Un pierre Rabhi paresseux alignait des éléments de langage moult fois répétés, sans soucis de la cohérence de l’ensemble. L’homme est las des conférences. Il confessait à France 2, lors d’un sujet qui lui était consacré, qu’il reçoit plus de six cent demandes de conférence par an. Il y répond comme à une mission à laquelle il ne peut moralement pas se dérober. Il quitte sa ferme ardéchoise en disant je vais faire du Rabhi. Il le fait sans enthousiasme et ça se sent. Il sait que cela ne sert plus à rien, sauf à donner à ceux qui l’écoutent quelques règles de vie qui ne changeront rien à l’évolution du climat et aux drames multiples générés par le réchauffement climatique.
L’anecdote du Colibri, chaque fois répétée, chaque fois applaudie, est une histoire dont les morales peuvent être contradictoires. certains en tirent la conclusion que si chaque individu faisait sa part, tous les hommes réunis parviendraient à éteindre l’incendie, mais d’autres y voient une histoire de looser. Le colibri se donne bonne conscience pour un résultat nul. Pierre Rabhi le sait. Faire sa part est un acte individuel qui même multiplié restera sans effet sur les bouleversements du climat. L’incendie est aujourd’hui incontrôlable.
En continuant, à son age, à sillonner la France pour porter sa parole humaniste, Pierre Rabhi fait sa part. Il ne prétend pas sauver le monde, il veut seulement que l’infime partie de l’humanité qui vient l’écouter et croit en ses paroles, mette en pratique et transmette des valeurs de sobriété, de partage et d’empathie.
Les changements de société que l’on constate aujourd’hui sont porteurs, de replis sur soit, d’égoïsme et de violence. Les mouvements identitaires, racistes et xénophobes prolifèrent sur le terrain de la haine. Pierre Rabhi à bien compris que le combat climatique est perdu, mais il ne le dit pas explicitement, parce que il n’est pas là pour décourager mais pour révéler en chacun sa part d’humanité, parce que seul l’humanisme peut s’opposer à la violence qui monte.
Pierre Rabhi ne croit plus que l’humanité peut sauver ses acquis en matière de bien être, il pense même, sans doute, qu’elle va beaucoup souffrir et peut-être disparaître. Il n’a certainement pas la prétention de croire qu’il peut la sauver, il fait sa part, il transmet des valeurs. Pour qu’au moins une partie de l’humanité reste humaine. Pas plus
L’histoire, depuis que des humanoïdes foulent notre planète, n’est qu’une affaire de survie. Pour survivre les hommes se sont groupés, en familles, en villages, en empires. Des solidarités se sont nouées à l’intérieur des groupes mais des rivalités se sont fait jour entre les groupes. C’est pourquoi l’histoire des hommes est tissée du meilleur : la fraternité, la solidarité et l’amour et du pire : la rivalité, la violence et la guerre. Tant qu’il y a suffisamment de ressources le meilleurs prédomine, quand elles manquent c’est le pire. C’est bien nos ressources que met en jeu le réchauffement climatique. Alors sans dire que l’humanité est condamnée, il y a fort à penser qu’elle va vers de très gros problèmes.
En fait tout le monde se fiche du devenir de l’humanité. Tout ça ce sont des mots pour donner un sens universel à nos petits engagements humanitaires. Au delà de nos petits enfants ou arrières petits enfants nos phares n’éclairent plus rien.. Notre empathie et notre sens moral ne conçoivent pas de s’apitoyer au delà de trois générations. Dans le temps long la disparition de l’humanité n’apparaît pas scandaleuse parce qu’elle est au delà de nos peurs. L’idée d’une terre qui continuerait à tourner et à évoluer sans les foutus humains est-elle si révoltante ? Darwin l’a dit, Darwin le fera. Seuls les plus forts survivront... peut-être.
Notre soucis des générations futures, Celles de nos enfants et petits enfants a pour limite notre égoïsme. Il bute sur notre besoin incompressible de confort et notre bien être aujourd’hui. Même en vivant sobrement on consomme des ressources épuisables. Notre sobriété, tous comptes fait, s’accommode de quelques billets d’avions pour aller faire un tour au bout du monde, d’une voiture devant la porte et même de la clim dans notre appartement car les canicules sont insupportables. C’est vrai la viande est une catastrophe écologique, sans parler des souffrances inouïes infligées aux animaux par l’élevage industriel, alors il est de bon ton d’être flexitarien. Je ne juge personne ce paragraphe parle de moi.
Chacun puise une cause à défendre dans le grand bazar du militantisme écolo-humanitaire. Aider les démunis, les migrants, lutter contre les pesticides et la monstrueuse Monsanto-Bayer, consommer bio, végétarien, végan, encourager l’agriculture paysanne, les énergies renouvelables.... faire sa part, c’est bien ça, chacun à sa manière prend exemple sur le colibri. Je ne me moque pas je suis un des vôtres. Je veux contribuer à ce que cesse cette folie productiviste qui bousille la planète dans ce qu’elle a de nourricier, creuse les inégalités et engendre le replis sur soit et la violence.
Je le fais, nous le faisons, Pierre Rabhi nous demande de le faire pour nos enfants, petits enfants et arrières petits enfants. Nous savons qu’ils vont souffrir des canicules, des inondations des cyclones, Ils devront reconstruire leurs maisons, faire face à des migrations, au terrorisme et à des guerres. De tous ceci nous porterons une part de responsabilité et ils nous jugeront. Ils nous accuseront pour la gabégie monstrueuse des ressources de cette planète dont notre bienheureuse génération, plus que toute autre avant elle; s’est rendue coupable. Ils auront raison. Nous n’en ferons jamais assez pour nous racheter une conscience.
Il y a deux manière d’agir. La première c’est faire le colibri, la deuxième c’est faire de la politique. Parce qu’il y a sur cette terre des individus et des entreprises sans scrupules dont le seul moteur est d’accumuler des richesses pour se gaver maintenant. Ceux-là n’ont aucun soucis de votre santé, ils nient le réchauffement climatique, profitent des guerres voire les provoquent. Je cite quelques uns de ces acteurs coupables : Industries chimiques et agrochimiques, automobile, énergies fossiles, armement, cigarettiers, agriculture industrielles et agroalimentaires... Ces entreprises ne sont pas des abstractions, des hommes les font fonctionner et eux se foutent du devenir de l’humanité et même de celui de leurs gosses. Que la terre demain soit rendue aux fourmis ils n’en ont rien à faire. Ils n’y pensent même pas. Ils pensent juste à se payer un jet privé et oublient le cancer qui va les emporter. Ouf c’est dit....Il faut les combattre sur le terrain politique et associatif.
Nous sommes collectivement responsables, et ce depuis des générations, des malheurs qui vont frapper nos proches descendants parce que l’humanité s’est toujours désintéressée de son propre avenir. Nous avons pillé la terre sans vergogne pour du superflus et des futilités.
Tout ceci nous le savons. Pierre Rabhi s’évertue à nous le dire, mais on est incapables d’arrêter le processus parce que la machine humaine fonctionne comme ça, au plaisir, à l’égoïsme, au superficiel, à orgueil et à l’indifférence à toutes les espèces, qu'elles soient végétales ou animales, et au reste de l’humanité.
Je voudrais quand même pour finir porter le message d’optimisme de Pierre Rabhi. La manière de vivre, telle qu’il nous l’a enseignée et les actions de solidarité auxquelles nous participons, mêmes si elles s’avéraient insuffisantes, sont porteuses de valeurs d’humanité qu’il nous appartient de transmettre bien au delà de notre génération.
Autour du vingt juin 2019, c’est avec plaisir que nous entendrons la première cigale d’une nouvelle génération nous annoncer l’été.
Le 20 août 2018 .
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