dimanche 19 janvier 2014

Autodétermination : top départ en 2014



Le processus de décolonisation de la Nouvelle Calédonie engagé par les accords de Matignon en 1988, mais surtout par les accords de Nouméa de 1998 revêt un caractère exemplaire, voire unique, dans la lourde histoire de la décolonisation française ; en effet pour la première fois les populations non autochtones font partie intégrante du processus. « Ils sont admis à la table » considère Louis José Barbançon lors de son allocution introductive au colloque de 2013, commémorant le 25ème anniversaire des accords de Matignon.

Cette exception calédonienne, on la doit à la conception élevée de la Politique de Michel Rocard et de Lionel Jospin sous l'égide desquels ont été négociés respectivement les accords de Matignon et ceux de Nouméa, mais surtout aux personnalités exceptionnelles qui les ont négociés et qui ont été capables de convaincre leur camp de la nécessité du pardon, de l'oubli des rancœurs et de l'incompréhension. Il n'est pas étonnant à entendre Aimé Césaire s’enthousiasmer sur Matignon qu'un homme comme Jean-Marie Tjibaou ait accédé au statut d’icône: « Cette percée, cette avancée, cette victoire. Et d'abord une victoire sur soi... la plus grande des victoires, sur la douleur intime, sur le ressentiment, sur la légitime méfiance. » (cité par LJ Barbançon).

Matignon et Nouméa sont deux accord à la portée et au contenu différents :

Les accords de Matignon ont une portée hautement symbolique. Ils amorcent le début d'une volonté commune entre deux communautés, marquées par plus d'un siècle d'exaction de massacres de destruction, de lever la méfiance, de discuter et de créer les conditions du vivre ensemble en harmonie, ce qui est l'essence même de la politique. Cet accord prévoie une période de développement de dix ans, avant que les Néo-Calédoniens ne se prononcent sur leur indépendance. Ils amnistient les massacres d'Ouvéa qui ont fait quatre morts parmi les gendarmes et dix neuf chez les indépendantistes. Il n'y aura donc pas de procès.

Le référendum d'approbation donnera 80 % de oui mais avec un taux d'abstention de 63 %, c'est dire le peu d'intérêt suscité par les affaires calédoniennes auprès de la population. Cet accord donnera lieu à une poignée de main devenue célèbre entre Jacques Lafleur, chef de la délégation anti-indépendance et Jean-Marie Tjibaou représentant le FNLKS front indépendantiste.

Les accords de Nouméa marquent véritablement le début du processus de décolonisation. Ils repoussent l'autodétermination jusqu'à une période située entre 2014 et 2018. Nous y sommes ! Mais ils définissent concrètement le transfert progressif des compétences, hors défense, au territoire. L'intérêt des Calédoniens pour leur destin s 'est considérablement accru puisque le taux de participation au référendum sur le territoire, a été de 74,2 % pour 72 % de oui

Ce texte met en avant deux notions qui constituent les valeurs fondamentales de la société calédonienne : la double légitimité des Kanaks et non Kanaks et le destin commun.

La légitimité Kanak permet leur reconnaissance en tant que peuple autochtone et civilisation avec leurs langues, leur culture, leurs traditions, la coutume et leur droit.

La légitimité des nouvelles populations « venues contre leur grès ou cherchant une deuxième chance... convaincus d'apporter le progrès.... » , langage prudent dont on perçoit que chaque mot a été pesé et discuté : « reconnaissance des ombres de la période coloniale même si elle ne fut pas dépourvue de lumières …. »

Il s'agit de refonder un lien social durable entre les populations et de définir une citoyenneté de Nouvelle Calédonie. Un statut civil particulier doit être inventé pour permettre l'expression du droit coutumier. Il n'est pas étonnant que les juristes puristes s'arrachent les cheveux à la lecture des textes.

La reconnaissance des autorités coutumières dans les sphères sociales, de la médiation, pénales,et des décisions économiques et politiques se traduit par la transformation du Conseil Consultatif Coutumier en Sénat Coutumier qui est le pendant autochtone du Conseil économique et social.

La Communauté de destin choisi, peut donner lieu à un choix ouvert, une fois terminée la période de transition. Le temps est un élément déterminant tant des accords de Matignon que des accords de Nouméa. Dix ans, puis Quinze ans pour permettre d'avancer pas à pas et d'expérimenter le vivre ensemble des communautés. Et aujourd'hui ce n'est pas deux, mais une multitude de communautés qui se côtoient en Nouvelle Calédonie. Dix ans plus quinze ans c'est une génération. Des jeunes qui, les progrès de la scolarisation aidant, ont côtoyé les bancs des mêmes écoles, collèges et lycées et pour lesquels le vivre ensemble est une évidence.

Que va-t-il se passer à partir de 2014 ? les élections provinciales de 2014 vont permettre aux forces de se compter. La période référendaire sera ouverte en mai. Un premier référendum doit être organisé, s'il aboutit à un rejet de l’accession, un deuxième référendum peut-être organisé sur demande écrite du tiers de membres du congrès, soit 18 élus, au haut commissaire. Ce second référendum doit être organisé dans les 18 mois après la demande. En cas de nouveau rejet il y a une incertitude juridique sur la légalité d'un troisième référendum qui serait organisé dans les mêmes conditions que le second, ou bien, l'examen par le Comité des signataires des modalités de mise en œuvre de l'accord.

En tout état de cause le processus doit être achevé au moins 6 mois avant la fin de la mandature.

Pour ces consultations le corps électoral sera encore plus réduit que pour les élections provinciales, soit ceux qui ont, ou auraient pu, participer au référendum de 1998 et ceux qui peuvent justifier de vingt ans de domicile continu en Nouvelle Calédonie.

Beaucoup a été fait depuis vingt cinq ans en Nouvelle Calédonie, sur le plan des équipements, de la scolarisation, de la formation du développement économique, particulièrement l'exploitation du nickel. Les jeunes ont grandi ensemble, de nouvelles communautés se sont développées qui veulent profiter de la paix sociale. Le temps, me semble t-il, ne joue pas en faveur de l'indépendance. Est-elle même réaliste ? Les indépendantistes y croient t-ils eux-même encore ? N'ont-ils pas seulement intérêt à montrer leurs muscles pour obtenir aux élections provinciales des résultats qui leur permettront de rééquilibrer en leur faveur le rapport de force et de peser sur les négociations à venir.

En tout cas l'ambiance semble sereine en ce début d'année 2014, on ne sent pas de panique, ni même de crainte. Les affaires continuent, apparemment sans attentisme. Il y a encore un peu de temps d'ici 2018.

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