C’est quoi le Paradis ?
«L’île la plus près du paradis» avouons que la formule a de quoi séduire. L’argument marketing majeur de l’office de tourisme des îles loyauté est en fait le titre d’un roman, datant des années 70. Il s’agit bien sur d’une histoire d’amour, écrite par une jeune japonaise, Katsura Morimura, après un séjour à Ouvéa. Ce roman n’ayant jamais été traduit en français, je ne peux que supposer qu’il est à l’eau de rose. Le fait est que ce roman attire encore de nombreux touristes japonais et que son titre est devenu un argument touristique majeur. Effectivement l’avion pour Ouvéa compte une bonne trentaine de japonais, plutôt jeunes, parmi ses passagers. Arrivés à destination, ils sont embarqués dans une navette direction, je vous le donne en mille, le «Paradis d’Ouvéa» qui est le seul hôtel, d’ailleurs fort coûteux, de l’Île, surnommé par les habitants, l’hôtel des japonais. Nous ne verrons pas l’ombre d’un japonais durant tout notre séjour. Pourtant rien de ce qui se visite ne nous a échappé.
En venant à Ouvéa. C’est donc à la découverte de la banlieue proche du paradis que nous venons. La notion de paradis, couvre des réalités forts différentes les unes des autres et parfois fort triviales. Des paradis il y en a partout, il y en a pour tous : paradis des pêcheurs, des randonneurs, des amateurs de vin... En fait chacun se donne des petits paradis à sa mesure qui sont de modestes espaces temps de bonheur dans une vie souvent maussade.
L’ambition d’Ouvéa est toute autre, presque religieuse, elle se veut toute entière paradis pour tous, l’équivalent du jardin d’éden ou le visiteur, qui qu’il soit, va connaître la félicité. Tous ses sens seront flattés. Il va découvrir des paysages enchanteurs, respirer de doux parfums, être épargné du tumulte et du vacarme, manger des mets délicieux et ne rencontrer que des personnes heureuses, accueillantes et attentives. Il est certain que la barre est haute, mais pourquoi pas?
Ouvéa n’est-il pas un des plus beaux atolls du Pacifique. Une plage au sable blanc et éclatant qui se déroule sur vingt cinq kilomètres, le long du lagon aux eaux incroyablement limpides, bordée d’immenses cocotiers nonchalants. Ouvéa recèle d’autre beautés : falaises de Lekiny, grottes et trous d’eau. La mer y est poissonneuse et le lagon tellement riche et merveilleux qu’il est classé au patrimoine mondial de l’humanité.
Avec ses trente cinq kilomètres de long, une superficie de 132 km2 ce paradis est on peut le dire, à dimension humaine. Avec presque 8000 habitants soit 60 habitants au km2, l’île est loin d’être surpeuplée, d’autant plus que les îles loyauté dans leur ensemble perdent 1,3% de population par an. ( INSEE recencement 2009 et site internet d’Ouvéa) je précise mes sources car j’ai eu le plus grand mal à trouver des données cohérentes, celles de Wikipédia sont farfelues. Un paradis ne pouvant par définition être surpeuplé, Il y a juste assez d’hommes pour que le postulant au paradis se sente entouré. Si l’on ajoute que 97% de la population est autochtone toutes les conditions d’un paradis Rousseauiste sont remplies. En plus le îliens sont gentils, tout le monde vous le dira. Gentil bien sur, mais chacun sait qu’il a quelques années en 1988 se sont produits des événements d’une rare violence qui se sont soldés par 25 morts, 3 gendarmes lors de l’occupation de la gendarmerie de Fayaoué par des militants du FLNKS, 2 militaires et 19 Kanaks lors de l’assaut de la grotte par le GIGN. (Ce moment de violence fera l’objet d’une méditation à part entière.), Ces morts, mêmes amnistiés, pèsent sur le bilan des atouts paradisiaques de l’île. Enfin c’est le passé et sans aucun doute le paradis s’apprécie au présent.
Pas de paradis sans soleil, disons qu’à Ouvéa, comme partout, c’est un jour oui, un jour non et parfois, quand un cyclone ou même une banale tempête tropicale pointe son nez ça devient carrément l’enfer. En Prenant l’avion, sous une pluie battante à Magenta nous avons redouté le pire. Heureusement les Dieux de l’île avait fait leur travail. Le ciel bleu est agrémenté de quelques nuages et pas un souffle d’air ne vient rider la surface incroyablement transparente de la mer. Il faut se rendre à l’évidence, tout ce qui nous est donné à voir est incroyablement beau et paisible. Est-ce pour autant proche le paradis ? Au fait à quoi reconnaît on un paradis ?
Le contexte : Il fait beau, pas de pluie, ni trop froid, ni trop chaud, pas de vent juste une petite brise parfumée. le paradis s’apprécie en tee-shirt, éventuellement avec une casquette et un peu de crème solaire.
La qualité première d’un paradis, l’incontournable, c’est la beauté. La beauté de la nature s’exprime sous toutes les formes, il n’y a donc en la matière aucune limites, disons simplement que la beauté se reconnaît immédiatement quelle que soit sa tournure. A Ouvéa la beauté est incontestablement au rendez-vous.
Pour satisfaire l’odorat il est préférable de respirer une brise marine ayant balayé quelques fleurs de tiaré, que de suffoquer dans les relents de la station d’épuration, les odeurs de carburant d’une station service ou celle de friture du snack de la plage.
Pour l’ouie mieux vaut entendre le ressac des vaguelettes bienveillantes d’un océan apaisé et le murmure des alizés dans les cocotiers que le tonnerre d’un orage, la circulation routière ou les rengaines disco d’un établissement de loisir.
Pour ce qui concerne le toucher, il est préférable que les moustiques vaquent à d’autres occupations que se gorger du sang de certains pour inoculer la dingue ou le chicoungounia à d’autres, en laissant en prime d’intenables démangeaisons. Par chance les moustiques n’aiment pas l’hiver. Aucune piqûre n’a été à déplorer et le cinq sur cinq est resté dans le sac.
Pour le goût disons, qu’une grillade de poisson et pourquoi pas une langouste, une bonne bière, ou un cocktail, genre mojito, feront l’affaire. Au paradis, pas de steacks frites comme à la maison.
En fait ces conditions sont assez faciles à remplir, mais on l’aura compris, pas de manière durable, seulement dans quelques instants qui ne sont magiques que si on sait les reconnaître.
La tentation lorsque lorsque que on pense être au paradis, c’est de se le répéter, une sorte de méditation ou de méthode Couet. Appelez ça comme vous voulez. Je regarde le lagon «C’est le paradis», Je mange une assiette de poisson grillé, accompagné d’igname sucré cuit dans du coco, dans un snack au bord de l’eau, «c’est le paradis», les oiseaux me réveillent le matin, «C’est le paradis», j’admire le lever et le coucher du soleil «CLP» Il fait un vent friquet, je l’appelle Alizés, «CLP», une odeur de fumée de bois de palme «CLP». Il tombe trois gouttes, «c’est plus le paradis», je croise les gendarmes en embuscade «c’est plus le paradis», la décharge publique au bord de la route «c’est plus le paradis», un voyant moteur s’allume sur le tableau de bord de la voiture de location, mince un coup de soleil..... c’est plus le paradis !
Nous pouvons d’ores et déjà considérer l’idée d’un paradis en pointillé.
Un paradis, même terrestre, n’est rien d’autre qu’une promesse. Le paradis n’est paradis que s’il réunit suffisamment de conditions pour enchanter tous les sens mais encore faut-il au moment opportun le reconnaître comme tel. Le paradis réside autant dans le lieu que dans l’état de l’âme de celui qui l’aborde.
Le vrai moment ou l’on est sans aucun doute au paradis, dans le présent et nulle part ailleurs, sans avoir besoin de chasser les pensées accessoires, c’est quand on se baigne, que l’on nage dans l’eau parfaite, pas tiédasse, pas fraîche non plus, comme à Lorient, claire et transparente. A ce moment là même le pire mécréant avec son fucking shit karma, doit connaître un moment de rédemption.
Pensez-vous qu’ Ouvéa, ce presque paradis est réservé aux touristes, plus particulièrement japonais, parce qu’ils ont lu le livre de Katsura Morimura ? les habitants d’Ouvéa se sentent-ils au paradis ? C’est comme vous et moi en dehors des vacances. Ils travaillent, élèvent leurs enfants, ont des maladies, des mésententes et des deuils. Ils vivent sur terre en espérant qu’il fera beau, qu’il pleuvra pour faire pousser les ignames et que le prochain cyclone ne détruira pas leur maison. Quoique, ils ont sur vous et moi un avantage, c’est la nonchalance qui leur permet de mieux apprécier le temps présent. Ceci mérite une fucking méditation à part. Ils ont conscience de quelques privilèges de la nature qui pour eux est, quand même, plus que ça. Il s'agit de leur terre, la terre de leurs ancêtres. Ils ont conscience de la chance qu’ils ont de vivre ici et c’est avec beaucoup de simplicité et de savoir vivre qu’ils le partagent avec quelques fucking touristes, mais ils font tout pour ne pas créer les conditions d’un tourisme de masse. Ils savent bien que c’est le seul moyen d’éviter l’enfer.
Le paradis à Ouvéa, pourquoi pas ? Un paradis pour touristes, auxquels tant de beauté est donnée à voir et tant de gentillesse prodiguée, qu’ils oublient un moment leurs soucis, ceux qui les accompagnent comme un fardeaux et la préoccupation du lendemain, pour vivre un moment dans le présent et connaître des instants de bonheur.
Le paradis cependant peut être partout. Pas besoin d’Ouvéa pour le trouver, il est à la porte de chaque maison dans tous les recoins du monde. Si on est prêt à le reconnaître, il sait même s’accommoder d’un peu de pluie, de froid ou de chaleur.
Devant le lagon respirez la brise de mer et imprégnez vous de la couleur et de la transparence de l’eau, baignez vous longuement. Faîtes entrer en vous cette parcelle de la beauté du monde. La beauté d’Ouvéa et votre beauté intérieure s’unifieront. Le paradis n’est jamais que la rencontre entre la beauté du monde et celle qui est en vous. Le Paradis sans vous n’existe pas.
Fucking méditation numéro 1 : beauté extérieure, beauté interieure, être, présent, bonheur
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