jeudi 6 février 2014

Bols Tibétains



Décidément, Nouméa est le lieu de toutes les expériences. L'occasion m'étant offerte, c'est bien volontiers que j'expérimente une séance de relaxation par les bols tibétains.

Je suis fasciné par l'ingéniosité des forgerons du Tibet, du Népal, du Bhoutan du Ladakh ou de l'Orissa dans le nord de l'Inde qui ont su mettre au point un alliage unique de sept métaux : argent (lune) cuivre (vénus) étain (Jupiter) fer (mars) mercure (mercure) or (soleil) plomb (saturne). L'éclat du métal évoque un peu, l'opale ou la nacre. Les bols authentiques sont forgés patiemment à la main. Certains ont plutôt la taille d'un grand saladier que d'un bol. Frappés avec un maillet ils entrent en vibration et caressés sur l'arrête, chantent longuement. Chacun a un son qui lui est propre, du plus aigu, pour les petits, au plus grave pour les grands.

Leur utilisation daterait de l'age du Bronze. Les Bouddhistes les utilisaient pour leurs facultés curatives. Certains parlent même de pratiques chamaniques. Il ne s'agit pas de musique, mais bien de sons, des vibrations qui engagent le corps tout entier et pas seulement l'oreille. Leur utilisation relève donc du champ de la sono thérapie et non de la musicothérapie. Il s'agit donc d'une sorte de massage par des vibrations qui pénètrent au plus profond du corps et entrent en raisonnance avec lui.

Les conditions climatiques du jour sont particulières, l'île est à nouveau en pré alerte cyclonique, la chaleur humide est étouffante. La petite pièce ou va se dérouler la séance est déjà prête : un matelas drapé de blanc, Une vingtaine de bols sont déjà répartis autour de la place ou je vais m'allonger. Évelyne est allée les acheter au Népal, dans des quartiers de forgerons. Elle est vêtue de blanc, elle a la voix douce, le geste calme et assuré. Elle me sait un peu septique, mais elle est sure de son fait.

L'air conditionné, enlève un peu la touffeur ambiante. Montre et lunettes, mis de côté, en fait tous les objet en métal, me voilà allongé, entouré de bols, Evelyne en place un sur ma poitrine et sur mon ventre une sorte de soucoupe ronde qui doit émettre plusieurs sons selon l'endroit ou elle est frappée.

Une musique relaxante ouvre la séance, elle la clôturera. Je ferme les yeux bien décidé à me laisser aller. Doucement, les premières percussions commencent sur les bols proches de mes pieds. Chaque bol un son qui lui est propre, pour le moment je ne ressens rien.

Le rythme des frappes et leur force s'intensifie. Mes mains sont posées à plat le long de mon corps, mais un peu à distance. Je n'ai pas eu de directives. Les vibrations se rejoignent pour produire un son unique, continu, une sorte de grondement puissant. Mes doigts, mes mains, mes bras puis tout mon corps se mettent à vibrer. J'ai l'impression que cette vibration est produite par mon corps, que le son sort de moi, que je le produit. Mon corps et lourd J'ai l'impression qu'il n'y a plus de vide entre mes jambes, ni entre mes bras et mon corps. Les frappes sur le grand bol posé sur ma poitrine me clouent littéralement au sol. je suis un bloc soudé au sol, comme un gisant de pierre, un bloc qui pèse des tonnes et relâche vers le ciel un interminable éclair. Effectivement j'ai plus une sensation de lumière que de son. Ce sera le moment le plus fort de la séance.

Progressivement, les frappes s'espacent leur intensité diminue. Évelyne a arrêté les bols et caresse doucement le drôle d'instrument posé sur mon ventre qui émet des sons cristallins, une sorte de musique. Immédiatement mon corps retrouve sa légèreté (oui enfin je me comprends, je passe de la densité de la pierre à celle de la chair). Ce flux de sons ne sort pas, il pénètre dans mon corps, par le ventre, je récupère un peu de ce qui s'en est échappé. Sensation de bien être.

Troisième séquence ; enfin c'est moi qui fait ce découpage. Les percutions de bols reprennent, plutôt modérément au niveau du milieu de mon corps. Je ne ressens rien, elles s'accélèrent mais sans prendre l'intensité des premières frappes. Je me rend compte alors que mon corps est isolé, aucune vibration n'en sort, aucune n'y pénètre. J'ai l'impression d'être sous une cloche de verre qui empêche les sons d'arriver jusqu'à moi. Je suis protégé du tonnerre par une cloison invisible.

Ce n'est que progressivement qu'ils parviennent jusqu'à moi et me pénètrent. Ce n'est plus moi qui vibre qui expulse du son, c'est le son qui vient à moi, qui me remplit. Tout ce que j'avais perdu me revient, d'abord dans le corps, puis dans les membres, les doigts. A un moment la sensation devient désagréable, je suis plein, je ne peux plus absorber aucune vibration. Il faut que ça s'arrête. Et ça s'arrête ! Des grelots, un bruit d'eau qui cascade, retour au calme, enfin.

Les frappes de bols, plutôt ceux qui sont proches de ma tête, reprennent. Le rythme est tranquille, les sons variés, pas de tonnerre. Ces sons là me traversent, ils rentrent par ma tête et sortent par mes jambes qui vibrent réellement, je les sens trembler. Je suis comme un tuyau dans lequel le son s'écoule comme un fluide... et c'est à partir de là que le petit JC, celui qui veille et observe ce que ressent le grand JC, perd sa vigilance... je crois bien que cela s'appelle dormir et en dormant rêver... rêver à quoi ? Cela réjouira Évelyne... je suis dans un champ de fleurs blanches... je crois même que je les cueille. Comme rêve New age on ne fait pas mieux ! Enfin, je suis formel, c'est le rêve que j'ai fait. Je l'assume.

De toute la séance je n'ai jamais senti que mes oreilles étaient concernées, je n'ai entendu, au sens habituel, qu'en tout début et toute fin. Le reste du temps tout le ressenti passait par le corps. Longtemps après la séances j'ai eu des picotements et des démangeaisons, comme des séquelles des vibrations reçues.

La petite musique marque la fin de la séance et me ramène à la réalité ; mais calmement, posément, je vous assure que pour être détendu, je suis détendu, pas pressé du tout de sortir dans la moiteur étouffante et de revenir dans la circulation de Nouméa.


Je raconte tout ça à Évelyne, elle est satisfaite, séance réussie, parfaitement réussie même, le summum c'est mon rêve du champ de fleurs blanches. Je n'aurais pas du lui en parler, à vous non plus d'ailleurs. Il va me suivre longtemps.




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