Son nom de naissance est
Kanedijo vendegou, née vers 1848 à l'île des Pins, elle est fille
du grand chef Kaoua Vendegou. C'est à ce titre, et dans le contexte
politique de l'époque, dont nous parlerons plus loin, qu'elle reçoit
une éducation à la fois française et religieuse par les soeurs
maristes venues éduquer les filles de l'île. Elle est baptisée et
prends le nom d'Hortense. Excellente élève, elle sera la première
femme mélanésienne à lire et à écrire le Français. Cette
éducation liée son intelligence vive et à sa forte personnalité,
lui donneront une influence particulière dans le monde autochtone,
puisqu'elle est seule femme admise à participer aux grandes
cérémonies de la chefferie et à y prendre la parole.
Son père optera pour la
France en 1853. A la mort de celui-ci en 1856 elle est fiancée à
Samuel Vendegou qui, qui après quelques troubles vites jugulés,
prend la succession de la chefferie. En 1870 l'île des pins est
désignée pour recevoir des condamnés au bagne, en particulier des
insurgés de la Commune et des Algériens. Cette annexion de l'île,
à des fins pénitentiaires, aurait pu entraîner l'exil des tribus
Kounié qui l'occupaient. C'est alors que Hortense met à profit son
éducation et le sens inné de la parole et de la négociation des
mélanésiens pour intercéder entre la chefferie et les autorités coloniales. Sa lettre au gouverneur mérite d'être citée :
« J'ai l'honneur de
représenter les principaux chefs de tribus de la population indigène
de l'île des pins. Ils viennent avec respect et confiance, à la
suite de Samuel Vendégou, mon mari, leur chef, réclamer leur juste
part à votre sollicitude en faveur de notre île, dont la paix, la
prospérité et la libre possession même, paraissent désormais
menacées […..] »
Elle parvient à trouver
un accord avec les autorités pour que seule la partie ouest de l'
île, en particulier la commune de Ouro, soit annexée pour la
création du bagne. Les kounié peuvent donc rester sur la partie
est. Les rares vestiges du bagne de Ouro ont aujourd'hui quasiment
disparu sous la végétation.
A une époque ou les
autorités coloniales ne s’embarrassaient pas de discutions avec
les indigènes et en tout état de cause ils savaient les rendre
vaines, pour exaspérer la population et l'amener à se révolter
pour mieux la mater par la force, cette victoire de la négociation,
a fait d’Hortense, la Reine Hortense, un véritable mythe sur
l'île.
Son nom et celui de
Samuel sont gravés sur un des totems de cet étrange site de la
baie Saint Maurice, ou une haie de totems, sculptés par les
différentes tribus de l'île, entoure une statue du Christ, mêlant ferveur catholique et emblèmes traditionnels,
pour commémorer la première messe sur l'île. Cette première
messe fut prononcée le 15 août 1853, par les missionnaires maristes
Prosper Goujon et Jean Chatelut, tout juste débarqués le 12 août.
Après l'échec de
l'évangélisation de la Nouvelle Zélande au profit des protestants
et de l'Angleterre, les missions maristes se sont rabattues sur la
Nouvelle Calédonie ou le terrain n'était pas encore occupé par les
évangélistes protestants. De fait la concurrence entre les deux
églises touchera surtout Lifou et Ouvéa aux loyautés.
Les maristes souhaitaient
respecter un stricte neutralité politique. Ils ont pourtant admis
et favorisé la colonisation pour deux raisons : contrecarrer
l'influence politique et religieuse anglaise, mais aussi rompre leur
isolement. Ce n'est qu'à partir de 1860 que les maristes prendront
leur distance par rapport à la colonisation. Les missions se
poseront rapidement en défenseur des tribus face à la colonisation.
Tentant de garantir les tribus converties contre la concession de
terres indigènes à des colons. Cependant ils contribueront par leur
présence dans les bagnes en tant qu’aumôniers, à la politique
carcérale de la métropole.
L'île des pins ou
colonisation et évangélisation se firent quasiment sans heurt, avec
le consentement de autorités indigènes et de la population,
constitue un cas un peu à part dans l'histoire calédonienne. Quand
l'Amiral Fébvrier des Pointes, commandant en chef de la station du
pacifique débarqua à Vao le 28 septembre 1853, il s’aperçut
qu'une corvette anglaise le Hérald mouillait déjà dans la baie. Le
père Goujon, l'un des deux missionnaires débarqués en août, lui
dit qu'en effet le roi Vendégou faisait l'objet de pressions de la
part des anglais.
Il semble que deux
facteurs principaux aient convaincu le Grand Chef de faire don de
son île à la France. Dabord l'attitude laborieuse des frères
catholiques et leur propension à aider les indigènes alors que le
pasteur UnterWood, en place sur lîle, semblait plus préoccupé du
sort de sa propre famille, ensuite et surtout la crainte que son île
subisse le sort des habitants de la Nouvelle Zélande ou d'Australie,
Le Père Gougeon avait
usé d'une ruse ; créer la peur de l'Anglais pour faire
espérer l'intervention de la France. Le débarquement de l'amiral,
quelques jours après cette conversation était donc un stratagème
pour berner les anglais et faire tomber sans coup férir l'île des
pins dans l'escarcelle de la France. La mission avait débarqué sur
l'île le 12 août 1853, le 29 septembre, les français en avaient
pris possession avec l'accord du grand chef Vendégou. Aucun habitant
n'avait été encore baptisé.
Le grand Chef ne
regretta jamais d'avoir donné son île à la France, Il se fit
baptiser avant de mourir en 1856 et tenta de convaincre les tribus de
venir s'installer à Vao autour de la mission.
Les chefs de clans
n'étaient cependant pas tous aussi pro-français et prêts à se
convertir. Sa succession donna lieu à quelques troubles. L'arrivée
opportune d'un navire Français et une démonstration de force,
suffirent à ramener l'ordre et faire respecter les volontés du
défunt grand chef.
En 1860, tous les
habitants de l'île des pins étaient convertis à la religion
catholique. De grandes messes furent organisées, avec cœurs et
cantiques. Les hommes portent désormais un pagne dénommé le nanou
et les femmes les fameuses robes mission qui sont encore leur unique
vêtement de prédilection.
L'éducation des garçons
est assurée par les pères, l'arrivée de deux sœurs en 1859
permettra d'éduquer les filles. soeur marie de la croix a eu le
privilège d'assurer la formation de Kanédidjo la fille du grand
chef Vendégou devenue Hortense.
A la mort de son mari en
1882, la reine Hortense, va vivre à St Louis, dans la plus grande
mission Maristes de Nouvelle Calédonie ou elle décédera le 8
octobre 1900
L île des pins devint
donc à la foi une vitrine coloniale et une vitrine pour le
catholicisme évangélisateur. La victoire politique de la reine
Hortense intervient donc dans ce contexte. Cette reine est le fruit
des victoires pacifiques concomitantes de la colonisation et de
l'évangélisation. Elle a bénéficié du lustre de son éducation
et du contexte pacifié pour obtenir de l'occupant une concession
politique qui a été refusée partout ailleurs et déclenché des
bains de sang.
L'histoire se poursuit à
l'île des pins avec une étonnante continuité. Hillary Tumi
Vendégou, grand chef Kanak de l'île des pins, descendant du chef
kaoua vendégou, est aujourd'hui maire anti indépendantiste de l'île
des pins, membre du congrès de Calédonie et sénateur au sénat
Français, représentant la Nouvelle Calédonie, affilié à l'UMP,
et en Nouvelle Calédonie de l'Union pour un mouvement populaire. Son
ailleul avait donné son île à la France, Hillary Vendégou, chef
coutumier, alors que vient de sonner l'échéance du processus
d'autodétermination, veut maintenir la Calédonie dans la
République.
photos 10 février : baie Saint Maurice Île des Pins
Sources :
lecriducagou.org
www.persée.fr La
mission mariste et la colonisation européenne en Nouvelle Calédonie,
bulletin de la société des océanistes
www.crc-resurrection.org
« Les missions en nouvelle Calédonie »
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