lundi 10 février 2014

Reine Hortense

Son nom de naissance est Kanedijo vendegou, née vers 1848 à l'île des Pins, elle est fille du grand chef Kaoua Vendegou. C'est à ce titre, et dans le contexte politique de l'époque, dont nous parlerons plus loin, qu'elle reçoit une éducation à la fois française et religieuse par les soeurs maristes venues éduquer les filles de l'île. Elle est baptisée et prends le nom d'Hortense. Excellente élève, elle sera la première femme mélanésienne à lire et à écrire le Français. Cette éducation liée son intelligence vive et à sa forte personnalité, lui donneront une influence particulière dans le monde autochtone, puisqu'elle est seule femme admise à participer aux grandes cérémonies de la chefferie et à y prendre la parole.

Son père optera pour la France en 1853. A la mort de celui-ci en 1856 elle est fiancée à Samuel Vendegou qui, qui après quelques troubles vites jugulés, prend la succession de la chefferie. En 1870 l'île des pins est désignée pour recevoir des condamnés au bagne, en particulier des insurgés de la Commune et des Algériens. Cette annexion de l'île, à des fins pénitentiaires, aurait pu entraîner l'exil des tribus Kounié qui l'occupaient. C'est alors que Hortense met à profit son éducation et le sens inné de la parole et de la négociation des mélanésiens pour intercéder entre la chefferie et les autorités coloniales. Sa lettre au gouverneur mérite d'être citée :

« J'ai l'honneur de représenter les principaux chefs de tribus de la population indigène de l'île des pins. Ils viennent avec respect et confiance, à la suite de Samuel Vendégou, mon mari, leur chef, réclamer leur juste part à votre sollicitude en faveur de notre île, dont la paix, la prospérité et la libre possession même, paraissent désormais menacées […..] »

Elle parvient à trouver un accord avec les autorités pour que seule la partie ouest de l' île, en particulier la commune de Ouro, soit annexée pour la création du bagne. Les kounié peuvent donc rester sur la partie est. Les rares vestiges du bagne de Ouro ont aujourd'hui quasiment disparu sous la végétation.

A une époque ou les autorités coloniales ne s’embarrassaient pas de discutions avec les indigènes et en tout état de cause ils savaient les rendre vaines, pour exaspérer la population et l'amener à se révolter pour mieux la mater par la force, cette victoire de la négociation, a fait d’Hortense, la Reine Hortense, un véritable mythe sur l'île.

Son nom et celui de Samuel sont gravés sur un des totems de cet étrange site de la baie Saint Maurice, ou une haie de totems, sculptés par les différentes tribus de l'île, entoure une statue du Christ, mêlant ferveur catholique et emblèmes traditionnels, pour commémorer la première messe sur l'île. Cette première messe fut prononcée le 15 août 1853, par les missionnaires maristes Prosper Goujon et Jean Chatelut, tout juste débarqués le 12 août.



Après l'échec de l'évangélisation de la Nouvelle Zélande au profit des protestants et de l'Angleterre, les missions maristes se sont rabattues sur la Nouvelle Calédonie ou le terrain n'était pas encore occupé par les évangélistes protestants. De fait la concurrence entre les deux églises touchera surtout Lifou et Ouvéa aux loyautés.

Les maristes souhaitaient respecter un stricte neutralité politique. Ils ont pourtant admis et favorisé la colonisation pour deux raisons : contrecarrer l'influence politique et religieuse anglaise, mais aussi rompre leur isolement. Ce n'est qu'à partir de 1860 que les maristes prendront leur distance par rapport à la colonisation. Les missions se poseront rapidement en défenseur des tribus face à la colonisation. Tentant de garantir les tribus converties contre la concession de terres indigènes à des colons. Cependant ils contribueront par leur présence dans les bagnes en tant qu’aumôniers, à la politique carcérale de la métropole.





L'île des pins ou colonisation et évangélisation se firent quasiment sans heurt, avec le consentement de autorités indigènes et de la population, constitue un cas un peu à part dans l'histoire calédonienne. Quand l'Amiral Fébvrier des Pointes, commandant en chef de la station du pacifique débarqua à Vao le 28 septembre 1853, il s’aperçut qu'une corvette anglaise le Hérald mouillait déjà dans la baie. Le père Goujon, l'un des deux missionnaires débarqués en août, lui dit qu'en effet le roi Vendégou faisait l'objet de pressions de la part des anglais.

Il semble que deux facteurs principaux aient convaincu le Grand Chef de faire don de son île à la France. Dabord l'attitude laborieuse des frères catholiques et leur propension à aider les indigènes alors que le pasteur UnterWood, en place sur lîle, semblait plus préoccupé du sort de sa propre famille, ensuite et surtout la crainte que son île subisse le sort des habitants de la Nouvelle Zélande ou d'Australie,

Le Père Gougeon avait usé d'une ruse ; créer la peur de l'Anglais pour faire espérer l'intervention de la France. Le débarquement de l'amiral, quelques jours après cette conversation était donc un stratagème pour berner les anglais et faire tomber sans coup férir l'île des pins dans l'escarcelle de la France. La mission avait débarqué sur l'île le 12 août 1853, le 29 septembre, les français en avaient pris possession avec l'accord du grand chef Vendégou. Aucun habitant n'avait été encore baptisé.

Le grand Chef ne regretta jamais d'avoir donné son île à la France, Il se fit baptiser avant de mourir en 1856 et tenta de convaincre les tribus de venir s'installer à Vao autour de la mission.

Les chefs de clans n'étaient cependant pas tous aussi pro-français et prêts à se convertir. Sa succession donna lieu à quelques troubles. L'arrivée opportune d'un navire Français et une démonstration de force, suffirent à ramener l'ordre et faire respecter les volontés du défunt grand chef.

En 1860, tous les habitants de l'île des pins étaient convertis à la religion catholique. De grandes messes furent organisées, avec cœurs et cantiques. Les hommes portent désormais un pagne dénommé le nanou et les femmes les fameuses robes mission qui sont encore leur unique vêtement de prédilection.

L'éducation des garçons est assurée par les pères, l'arrivée de deux sœurs en 1859 permettra d'éduquer les filles. soeur marie de la croix a eu le privilège d'assurer la formation de Kanédidjo la fille du grand chef Vendégou devenue Hortense.

A la mort de son mari en 1882, la reine Hortense, va vivre à St Louis, dans la plus grande mission Maristes de Nouvelle Calédonie ou elle décédera le 8 octobre 1900 

L île des pins devint donc à la foi une vitrine coloniale et une vitrine pour le catholicisme évangélisateur. La victoire politique de la reine Hortense intervient donc dans ce contexte. Cette reine est le fruit des victoires pacifiques concomitantes de la colonisation et de l'évangélisation. Elle a bénéficié du lustre de son éducation et du contexte pacifié pour obtenir de l'occupant une concession politique qui a été refusée partout ailleurs et déclenché des bains de sang.

L'histoire se poursuit à l'île des pins avec une étonnante continuité. Hillary Tumi Vendégou, grand chef Kanak de l'île des pins, descendant du chef kaoua vendégou, est aujourd'hui maire anti indépendantiste de l'île des pins, membre du congrès de Calédonie et sénateur au sénat Français, représentant la Nouvelle Calédonie, affilié à l'UMP, et en Nouvelle Calédonie de l'Union pour un mouvement populaire. Son ailleul avait donné son île à la France, Hillary Vendégou, chef coutumier, alors que vient de sonner l'échéance du processus d'autodétermination, veut maintenir la Calédonie dans la République.





photos 10 février : baie Saint Maurice Île des Pins

Sources :

lecriducagou.org

www.persée.fr La mission mariste et la colonisation européenne en Nouvelle Calédonie, bulletin de la société des océanistes


www.crc-resurrection.org « Les missions en nouvelle Calédonie »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire